Cent trente personnes contaminées par le virus VIH dans le groupe placebo, cent trente-sept dans le groupe vacciné ! Le 23 janvier 2020, le comité DSMB chargé de suivre l’efficacité et la sécurité de l’essai vaccinal HVTN 702 demandait qu’il soit mis fin à cet essai vaccinal auquel les spécialistes croyaient dur comme fer.
Il faut maintenant analyser les raisons de l’échec, ce que les responsables de l’essai ont commencé à faire lors de leur présentation à la CROI 2020 le 11 mars 2020. Débuté en 2016 en Afrique du Sud, le protocole vaccinal HVTN 702 avait beaucoup de raisons de réussir. Il faut dire que les investigateurs, dirigés par la Dr Glenda Gray, du Medical Research Council d’Afrique du Sud, ne partaient pas de zéro.
Le modèle thaï du vaccin RV 144
Leur modèle c’était le vaccin RV 144, utilisé en Thaïlande, dont les résultats avaient été publiés en 2009 dans « The New England Journal of Medicine ». L'essai avait, au bout de quarante-deux mois de suivi, montré que le risque de contamination dans le groupe vacciné était diminué de 31 % par rapport au groupe placebo. Résultat jugé très faible par de nombreux spécialistes mais qui pour diverses raisons, avait été considéré comme une avancée.
C’est donc sur ce modèle qu’a été bâti l’essai HVTN 702, avec un vecteur canarypox, ALVAC, créé par Sanofi-Pasteur, porteur de trois gènes du VIH et une autre partie comprenant l’enveloppe gp120 du virus. Par rapport au modèle de base, un adjuvant a été modifié, le MF59, ainsi que les caractéristiques du clade, le clade C étant dominant en Afrique du Sud. Enfin, le protocole a été adapté dans le but de renforcer la réponse immunitaire, avec une injection au mois zéro, puis au mois un, suivie d’injections à M3 et M6 et, la nouveauté sont des rappels à 12 et 18 mois.
La population concernée était constituée de femmes et d’hommes âgés de 18 à 25 ans, évidemment séronégatifs pour le VIH, 5 400 personnes au total, divisées en deux groupes égaux.
Un arrêt brutal et prématuré
Débutée à l’automne 2016, la campagne s’est donc arrêtée en début de cette année, de façon brutale et prématurée. Alors que 85 % des personnes enrôlées étaient allées au bout des divers vaccins et rappels, et après un suivi médian de 18,5 mois, le verdict est tombé : ce vaccin n’avait aucune efficacité protectrice contre le VIH, puisque le nombre de contaminations était quasi identique entre les deux groupes, 130 dans le groupe placebo et 137 dans le groupe vacciné.
Une sacrée douche froide pour Glenda Gray et ses collaborateurs. Pourquoi donc ce qui avait à peu près marché en Thaïlande, échouait en Afrique du Sud ? Lawrence Corey, du Fred Hutchinson Cancer Center de Seattle reconnaît qu’il ne va pas être simple de comprendre les raisons de l’échec.
Le scientifique avance quelques pistes et d’abord celle de la préparation vaccinale qui pourrait ne pas avoir été homogène entre tous les lots. Mais il pense plutôt à la nature du virus et notamment au fait qu’il existe au sein du clade C une très grande hétérogénéité, générant des réponses diverses.
Autre point impliquant le virus, sa très grande fréquence dans l’environnement des sujets, une prévalence bien plus importante que dans le modèle thaïlandais, sans oublier une importante exposition à ce virus. Une femme sur deux et 70 % des hommes avaient des partenaires multiples. Un quart des jeunes femmes disait avoir des relations sexuelles contre argent. L’utilisation du préservatif était anecdotique comme celle de la PrEP, que seuls 3 % disaient utiliser. Enfin, on a noté chez les personnes incluses dans l’étude une grande variabilité de génotypes de certains sérotypes HLA comme le HLA-A*02. Beaucoup de pistes, d’hypothèses, de recherches à venir et toujours un immense besoin de vaccin.
(1) Conference on Retroviruses and Opportunistic Infections
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