Alors que plusieurs recommandations internationales ont pris position pour ce dépistage (remboursé par MEDICARE aux USA) et que de nombreuses expérimentations sont en place en Europe, en 2016 la Haute Autorité de Santé n'a pas recommandé sa mise en œuvre en France.
Cet avis négatif qui va contre l’avis récemment renouvelé de nombreux spécialistes reposait en 2016 sur 3 arguments principaux : une seule étude (NLST) démontrait l’intérêt du dépistage ; elle comportait trop de faux positifs (24 %) et rien n’assurait la reproductibilité des résultats à large échelle en France. Les résultats de l’étude européenne NELSON changent la donne pour deux raisons :
La 1re raison est que maintenant 2 études démontrent l’intérêt de ce dépistage. NLST montre sur 53 454 patients « une réduction de la mortalité spécifique par cancer du poumon de 20 % dans le bras scanner… et une baisse de la mortalité globale de 6,7 % (du jamais vu avec les dépistages réalisés en France) », précise le Dr Bernard Milleron, président honoraire de l’Intergroupe Francophone de Cancérologie Thoracique (1). NELSON, 2e étude positive (bras scanner faible dose, bras témoin), confirme et prouve l’intérêt du dépistage chez 15 000 fumeurs de plus de 50 ans. Le dépistage réduit la mortalité spécifique par cancer du poumon de 26 % chez l’homme de façon significative et de 39 à 61 % chez la femme (non significatif car effectif faible). En outre, 69 % des cancers sont détectés à un stade IA ou IB. « La littérature oblige à se positionner, car elle va peu évoluer : seule une étude japonaise est attendue », note le spécialiste.
La 2e raison est que NELSON a fortement diminué les faux positifs. NLST mesurait le diamètre du nodule (négatif si < 4 mm ; positif si ≥ 4 mm), NELSON leur volume. « La stratégie de NELSON (cf. encadré) qui classe les nodules en 3 groupes volumétriques a considérablement réduit les positifs (2,2 %). Ils se décomposent en 0,9 % de cancers et seulement 1,3 % de faux positifs (contre 24 % dans NLST). Refaire un scanner faible dose à 3 mois avec la même technique dans le même centre en cas de volume “intermédiaire” est devenu un standard », estime le Dr Milleron. Reste à confirmer ces résultats à large échelle. « Oncopneumologues, chirurgiens et radiologues acteurs du dépistage doivent créer des réseaux et calquer l’organisation des soins sur celle des études : opérer par vidéothoracoscopie les cancers de petit volume, travailler en faible dose, en volumétrie, avec les bons logiciels… », estime le Dr Milleron. Dans cette optique, la Société Européenne d’Imagerie Thoracique élabore un « Lung cancer certification programme ». Sa présidente, le Pr Marie-Pierre Revel, radiologue à l’hôpital Cochin, précise que « Ce programme associera e-learning et ateliers pratiques avec analyses de cas et prise en main des logiciels de volumétrie. L’examen de certification comportera l’analyse de 60 cas, dont certains cas difficiles, et exigera 90 % de bonnes réponses ».
Associer la prévention
« Le nombre de fumeurs a chuté en 2017 grâce à la politique de prévention menée en France, mais même si tous les Français s’arrêtaient de fumer, il y aurait encore pendant plus de 20 ans de très nombreux cancers du poumon », note le Dr Milleron. Dépister peut sauver 7 500 vies/an et favorise l’arrêt du tabac. « Dans NLST, ce sont les fumeurs du bras scanner qui cessent de fumer qui sont les grands gagnants du dépistage (-38 % de mortalité spécifique). Le dépistage, moment de grande sensibilité aux messages de prévention, est complémentaire de l’arrêt du tabac et devient coût efficace lorsqu’il y est associé », tient à souligner le Dr Ruppert, tabacologue et onco-pneumologue à l’hôpital Tenon.
(1) Milleron B. et al., EMC- traité de médecine Akos 2017;0(0):1-7 (article 6-0672)
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