Peignoir sur le dos, un groupe de patients s’apprête à passer un bilan auditif, un examen ophtalmique, un électrocardiogramme, une échographie et une dermatoscopie. Ce bilan de santé complet établit un jumeau numérique, une première en France, et une stratégie de prévention. Cette scène se déroule au 3e étage du Pôle santé Bergère à Paris (IXe), qui propose aux entreprises des bilans de santé pour leurs employés.
Il existe un parcours type, mais il peut être adapté en fonction des réponses à un questionnaire et des résultats d'examens urinaires et sanguins réalisés en amont. Et si l'entreprise refuse de payer un examen supplémentaire (selon les formules, un bilan coûte entre 650 et 2 300 euros par personne), « nous pouvons faire entrer le patient dans un circuit sécu au sein même de l’établissement, nous avons des médecins de secteur 1 et 2, ou l'orienter vers un spécialiste extérieur », répond le Dr Guy Scemama, directeur médical prévention et gastro-entérologue à Choisy-le-Roi.
Toutes les données médicales collectées au cours de cette journée vont être converties par Integratome, la plateforme technologique hébergée par la start-up, afin de réaliser une simulation de l’état de santé des patients, organe par organe, assortie du risque d’apparition de 57 pathologies différentes au cours des cinq à dix ans à venir. Ce jumeau numérique permet également d’évaluer l’évolution des différents risques selon les stratégies de prévention mises en place.
Quatre IA pour un jumeau
Concrètement, l'Integratome exploite quatre intelligences artificielles (Claude, ChatGPT, Mistral AI et Google Gemini) préalablement entraînées avec les données du système national de données de santé (SNDS), du Nice britannique, de la Haute Autorité de santé (HAS), des publications, des Cochrane et des recommandations des sociétés savantes sélectionnées par les membres du comité scientifique d'Integratome issus de 10 spécialités médicales. « Selon qu'un bilan de santé est réalisé par un médecin généraliste ou un spécialiste, le résultat ne sera pas le même, ajoute le Dr Scemama. Un cardiologue ne pensera pas forcément à demander une cytologie urinaire à un fumeur par exemple. Integratome permet de tout fusionner de façon plus neutre et de faire de la médecine prédictive à cinq ans. »
Le modèle est capable de pondérer certains facteurs de risque grâce aux informations personnelles fournies par le patient. Par exemple : des antécédents familiaux n'auront pas le même poids chez quelqu’un issu d'une famille nombreuse que chez une personne ayant peu de parents proches. Outre le risque de contracter une maladie précise dans les cinq à dix ans à venir, le modèle élabore différents scénarios et calcule l'évolution du risque en fonction des mesures hygiénodiététiques prise par le patient (perte de poids, reprise de l'activité physique, arrêt du tabac et/ou de l'alcool).
« On construit un véritable réseau 3D entre les maladies, leurs causes et leurs effets », résume le Pr Olivier Cussenot, directeur scientifique de la start-up Integratome et chef du service d’urologie de l’hôpital Tenon (AP-HP). Des aides personnalisées sont également fournies au patient à travers l'application Form-e afin de l'aider à acquérir certaines habitudes hygiénodiététiques en indiquant les gains potentiels et suivant les progrès. Les médecins peuvent aussi avoir accès à des scores de risques précalculés et classés par organe avec une stratification des risques, ainsi que les actions médicales recommandées.

Une capacité estimée à 5 000 consultations par an
Fondé en 2019 à l'initiative du groupe Audiens, le Pôle santé Bergère, établissement privé à but non lucratif qui fonctionne avec des médecins libéraux vacataires, comprend deux appareils d’IRM, des blocs de chirurgie dermatologique, un étage dédié à la prévention santé, un autre consacré aux soins gynécologiques avec des experts de l'endométriose, un étage pluridisciplinaire, une clinique du cœur et un nouvel institut de dermatologie. Un partenariat avec 1 350 ergothérapeutes permet aussi de traiter les risques de troubles musculo-squelettiques. Ces quatre dernières années, 5 000 personnes sont passées par le pôle santé qui a une capacité estimée de 5 000 consultations par an.
Les employés de plus de 50 ans sont particulièrement ciblés par les bilans de santé pratiqués par le pôle. « La santé au-delà de 50 ans est un vrai enjeu, notamment avec le recul de l'âge de la retraite, explique Sébastien Abgrall, directeur général du Pôle santé Bergère. Les entreprises ont un retour sur investissement en faisant appel à nous car la prévention personnalisée participe à la lutte contre l’absentéisme et le maintien dans l'emploi. Nous travaillons aussi sur la thématique du handicap. »
« Tout est dicté par les recommandations des sociétés savantes, et nous n'allons pas au-delà », assure le Dr Guy Scemama. C’est la raison pour laquelle il a été décidé de ne plus proposer de test d'effort. « Il y avait trop de faux négatifs, se souvient le Dr Scemama. Certains patients dont le test était normal faisaient quand même un infarctus deux mois plus tard. »
Le pôle Bergère réalise déjà les bilans de santé des cadres dirigeants de la FDJ et est en négociation avec des entreprises du bâtiment et de la construction automobile. « Dans les grands groupes, il y a des directions de prévention, et l'on peut leur fournir des informations anonymisées pour établir des statistiques et ajuster leurs programmes », complète le Dr Scemama.
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