« Est-ce que ça vous intéresse d’aller retrouver un moment agréable pendant que je vous fais un point de suture ? Une partie de vous peut surveiller ce que je fais pour être sûr que tout se passe bien pendant qu’une autre partie peut aller se balader. » Voilà le genre de choses que l’on peut entendre dans le cabinet de la Dr Gaëlle Paumelle, généraliste à Trébeurden dans les Côtes-d'Armor et formatrice à l’institut d’hypnose médicale Emergences. Comme elle, de plus en plus de généralistes se forment à l’hypnose. « Le grand intérêt de l’hypnose, c’est que ça apaise. Elle permet de faire des gestes techniques de manière plus confortable pour le patient et pour le praticien et ce, sans prendre de temps », explique le Dr Philippe Floch, généraliste et hypnothérapeute installé à Rennes.
Mais l’intérêt de l’hypnose ne se limite pas à la gestion de la douleur. « L’hypnose permet de reconnecter le patient à des processus de guérison qu’il a en lui. Elle vient renforcer la relation qui est la base du soin. C’est une prise en charge globale. Plutôt que de se centrer sur le symptôme et sur les difficultés de sa vie, on amène le patient à se focaliser sur des choses agréables ou à se reconnecter à ses ressources, par exemple chaque fois qu'il a déjà surmonté le même genre de situation », précise le Dr Pierre Le Grand, généraliste à Plogonnec dans le Finistère et également formateur à Emergences.
L’état d’hypnose favorise de nouvelles associations d’idées et permet de « faire émerger des solutions que le patient a en lui mais qui peuvent être inhibées par le conscient critique, le qu’en-dira-t-on, le carcan social », ajoute la Dr Anne-Laure Faurand-Tournaire, médecin généraliste installée à Tinténiac en Ille-et-Vilaine. Cet état de conscience particulier, proche de la rêverie, nous le traversons plusieurs fois par jour sans nous en rendre compte. Pendant les consultations, ces généralistes ont recours à un large panel de techniques pour provoquer volontairement cet état et l’amplifier : focalisation de l’attention, connexion aux sensations corporelles, travail avec l’imagination, hypnose conversationnelle, saturation sensorielle et cognitive…
Communication non verbale
Si les généralistes rencontrés ne pratiquent pas l’hypnose de la même manière, tous racontent comment leur formation est venue modifier leur manière de communiquer et d'entrer en relation avec le patient. Ainsi, les phrases qui suggèrent le risque de douleur ou de danger, comme « Attention, je vais piquer » ou « Ne vous inquiétez pas », sont remplacées par des formulations positives. Mais une bonne partie de la communication hypnotique se joue au niveau non verbal. Caler sa respiration sur celle du patient, adopter une posture, un ton et des gestes similaires aux siens va permettre de se synchroniser avec lui pour qu’il se sente compris. « Si je m’adapte au rythme du patient et que progressivement je me détends, que je respire plus amplement et lentement, il va se détendre aussi », assure la Dr Faurand-Tournaire.
Ce recours à l’hypnose permet également de donner plus d’autonomie aux patients. « Il réapprend qu’il a plein de capacités et cela lui redonne du pouvoir sur sa propre vie et sa capacité à aller mieux », estime la généraliste. Elle apprend par exemple aux enfants des techniques pour gérer leurs douleurs qu’ils pourront réutiliser pendant une prise de sang, mais aussi s’ils se font un petit bobo. Des techniques également utiles pour les personnes souffrant de douleurs chroniques ou exposées à des soins invasifs.
Un outil pour les patients… et les médecins
Certains des médecins interrogés utilisent l’hypnose par petites touches, de manière informelle, pour améliorer l’alliance thérapeutique et faciliter certains actes dans leurs consultations de médecine générale classique.
Ils proposent aussi aux patients des séances thérapeutiques plus longues pour leur apprendre à gérer leur anxiété, à se débarrasser du tabac ou à faire face aux insomnies. Cela permet de réduire la quantité de médicaments prescrits mais également, selon la Dr Paumelle, d’éviter que « les patients basculent dans la chronicité, ce qui épuise les soignants et engorge le système de santé ». « L’hypnose m’a aidée à faire beaucoup de sevrages médicamenteux, poursuit-elle. Comme on gère l’anxiété, on diminue la tension sur le long cours, et donc la dose d’antihypertenseurs. »
En attaquant le problème à la source, cela soulage durablement les patients et le système de santé. « Un gain de temps, d’argent et d’énergie incroyable », plaide le Dr Floch qui voit également le bénéfice pour les soignants : « L’autohypnose leur permettrait d’être plus apaisés eux-mêmes. » Un avis partagé par la Dr Faurand-Tournaire, pour qui l’hypnose permet aux généralistes de « ne pas prendre sur eux les émotions difficiles des patients et de ne pas les traîner comme une enclume toute la journée ». Selon elle, c’est un « superbe outil au service du patient », mais également au service des généralistes qui ainsi pourraient davantage « éviter le burn-out ».
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024