« Nous montrons que nous pouvons utiliser un échantillon de liquide céphalorachidien (LCR) pour observer les altérations génétiques d'une tumeur chez environ 50 % des personnes atteintes de gliomes récurrents. Nous savons que les tumeurs évoluent au cours de la maladie et ce test pourrait permettre de suivre et de comprendre les changements mutationnels », explique la neurologue Alexandra Miller, du Memorial Sloan Kettering Cancer Center (MSKCC), à New-York, première signataire de l'étude publiée dans « Nature » (1).
« Nous espérons que cette approche nous aidera à diagnostiquer les gliomes qui ne peuvent être biopsiés. Cela nous aidera également à proposer des traitements ciblés à un plus grand nombre de personnes atteintes de gliome et à surveiller la réponse de la tumeur au traitement », ajoute le cancérologue Ingo Mellinghoff (MSKCC) qui a dirigé l'étude avec le généticien Michael Berger (MSKCC).
Il s’agit d’une étude rétrospective, précise ce dernier qui cherche désormais à valider cette approche pour un usage clinique de routine. Le séquençage du LCR représente une application nouvelle et importante de notre test MSK-IMPACT, lequel est déjà utilisé pour déterminer le profil génétique du tissu tumoral de plus de 200 patients chaque semaine ».
Biopsie liquide
Les gliomes diffus sont les tumeurs cérébrales primaires les plus fréquentes. Les tumeurs de grade II récidivent invariablement après résection chirurgicale et évoluent vers un gliome de grade III et le glioblastome (grade IV) très agressif. L’analyse de la tumeur biopsiée ou réséquée, à la recherche d’altérations génétiques favorisant leur croissance, permet de classer la maladie et de guider le traitement. Toutefois, le profil de ces mutations change au cours de la maladie et renouveler la biopsie cérébrale n’est pas sans risque ni facile. Des difficultés qui ont entravé le développement des thérapies ciblées.
De l’ADN tumoral pourrait-il s’échapper dans le LCR ? C'est la question que se sont posés le Dr Miller et ses collaborateurs. L’analyse du LCR prélevé par simple ponction lombaire pourrait alors renseigner sur le profil mutationnel du gliome. Leur étude suggère que cette approche est possible. Ils ont analysé le LCR de 85 patients atteints de gliomes, ayant eu une ponction lombaire en raison de signes ou de symptômes neurologiques. Ils ont utilisé le panel MSK-IMPACT qui détecte des mutations associées au cancer. Leurs résultats montrent que le LCR héberge de l’ADN tumoral circulant (ADNtc) chez la moitié des patients (42/85). Sa présence est associée à une masse tumorale plus importante dans le cerveau ainsi qu’à un plus mauvais pronostic.
Large spectre d'altérations génétiques
Le profil génomique du gliome dans le LCR présente un large spectre d’altérations génétiques et ressemble étroitement au profil des biopsies tumorales, tout du moins lorsque les deux prélèvements (LCR et biopsie cérébrale) ont été effectués à peu de temps d’intervalle. Les mutations survenant tôt dans la tumorogenèse (co-délétion 1p/19q, IDH1/2) sont communes aux deux prélèvements même si le LCR a été prélevé longtemps après la biopsie cérébrale, ce qui indique la stabilité de ces mutations. En revanche, d’autres mutations ne sont détectées que dans l’un ou l’autre prélèvement, confirmant l’évolution génétique de la tumeur avec le temps.
La biopsie liquide du LCR pourrait donc permettre de surveiller les patients qui ont répondu au traitement initial, afin de détecter le plus tôt possible une récidive. Les chercheurs espèrent que ce test peu invasif accélérera le développement clinique et l’utilisation des thérapies ciblées pour le gliome. L’équipe envisage aussi d’examiner si ce test peut être utile dans d’autres types de tumeurs cérébrales et chez l’enfant.
(1) A. Miller et al., Nature, 10.1038/s41586-019-0882-3, 2019
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