PAR LES Drs HELENE POUCLET, THIBAUD LEBOUVIER ET MICHEL NEUNLIST ET LE Pr PASCAL DERKINDEREN*
LE DIAGNOSTIC maladie de Parkinson (MP) est avant tout clinique et repose sur la présence d’une akinésie, d’une hypertonie plastique et d’un tremblement. Quand ces signes moteurs apparaissent, on estime que 60 % des neurones dopaminergiques ont dégénéré et certains noyaux non dopaminergiques du tronc cérébral sont déjà touchés par une perte neuronale sévère (1). L’existence de signes précurseurs de la MP rend compte du caractère insidieux du processus dégénératif qui débuterait 10 à 20 ans avant l’atteinte motrice (2). Les plus fréquemment rencontrés sont les troubles du comportement en sommeil paradoxal, le déficit olfactif ou la constipation (2). Par ailleurs, le syndrome parkinsonien n’est pas spécifique de la MP, et peut inaugurer un certain nombre de maladies neurologiques (3). Les diagnostics différentiels classiques de la MP sont deux autres syndromes parkinsoniens, la paralysie supranucléaire progressive et l’atrophie multisystématisée.
L’absence de spécificité des signes cliniques souligne la contribution potentiellement majeure de biomarqueurs, tant pour un diagnostic précoce, un diagnostic différentiel ou pour suivre l’évolution de la maladie. La recherche de biomarqueurs de la MP a été jusqu’à présent été rendue difficile, en grande partie par le fait que les marqueurs histologiques de la maladie, les corps et prolongements de Lewy, se situent classiquement dans le système nerveux central (SNC) et plus particulièrement dans la substance noire, des régions dont l’analyse histopathologique est délicate du vivant du patient.
Toutefois, la mise en évidence ces vingt dernières années de corps et de prolongements de Lewy dans des systèmes nerveux périphériques, dont certains sont accessibles à la biopsie, a relancé l’intérêt pour la recherche de biomarqueurs histopathologiques de la maladie (4). Le système nerveux autonome qui innerve les glandes salivaires et la peau et le système nerveux entérique sont les deux principaux systèmes nerveux périphériques « biopsiables » qui sont une source potentielle de biomarqueurs histopathologiques de MP (5-7).
Peau et glandes salivaires.
Une équipe japonaise a été la première à montrer, dans une étude autopsique, que des corps et prolongements de Lewy étaient présents dans la peau de l’avant bras et de la paroi abdominale de 10 patients parkinsoniens sur les 14 sujets examinés (8). Cela a logiquement conduit à la réalisation d’une étude pilote chez 20 patients parkinsoniens, en utilisant des biopsies cutanées de la région thoracique et de la cuisse. Les résultats ont été décevants puisque seulement deux patients sur les 20 étudiés avaient des lésions identifiables en utilisant les biopsies cutanées (9). En ce qui concerne l’innervation sympathique des glandes salivaires, les deux études autopsiques disponibles ont montré la présence de pathologie de Lewy dans les glandes sous-maxillaires chez la quasi-totalité des sujets examinés (4, 10). Toutefois, les biopsies de glandes sous-maxillaires, qui nécessitent une incision, ne peuvent être réalisées en routine. Dans ce contexte, les biopsies de glandes salivaires accessoires permettraient de détecter des prolongements de Lewy, mais ces résultats préliminaires demandent confirmation (11).
Système nerveux entérique.
Comparativement aux autres systèmes nerveux périphériques touchés par la pathologie de Lewy, le système nerveux entérique (SNE) semble présenter de nombreux avantages. Le SNE est un réseau neuronal présent le long du tube digestif, du tiers inférieur de l’œsophage au rectum. Il contient près de 100 000 neurones, autant que la moelle épinière, et est parfois appelé second cerveau en raison de ses similitudes avec le SNC. Il est composé de deux plexus, le plexus myentérique impliqué dans la régulation de la motricité digestive et le plexus sous-muqueux, responsable de la régulation de la sécrétion (12). De façon remarquable, des corps et des prolongements de Lewy sont présents dans les deux plexi chez la quasi-totalité des parkinsoniens (4). Nous avons montré au laboratoire que le SNE, et plus spécifiquement le plexus sous-muqueux, pouvait être analysé du vivant du patient en utilisant des biopsies coliques obtenues en routine au cours d’une coloscopie. Ainsi, une biopsie permet l’analyse de près de 150 neurones entériques (5-7). En utilisant cette technique chez 29 patients atteints de MP, nous avons mis en évidence des prolongements de Lewy chez 21 des sujets (5-7). L’analyse des biopsies chez 10 témoins, indemnes de toute affection neurologique n’a pas montré d’anomalies. De plus, de façon remarquable, l’importance des lésions dans le SNE était corrélée avec les signes axiaux de la maladie, qui reflètent sa sévérité (5-7).
Le SNE paraît donc être une source originale de biomarqueurs pour la MP (13). Nos premiers résultats suggèrent que l’analyse des biopsies est un biomarqueur de sévérité de la MP et que le SNE est une fenêtre sur la neurodégénérescence du SNC. Nous sommes en train d’étudier si ces biopsies peuvent être utilisées pour le diagnostic différentiel entre MP, atrophie multisystématisée et paralysie supranucléaire progressive et si elles peuvent permettre de mieux comprendre la physiopathologie de la MP et en particulier le rôle du SNE.
*Inserm U913, Université de Nantes et clinique neurologique du CHU de Nantes.
(1) Del Tredici K, et al. Where does parkinson disease pathology begin in the brain? J Neuropathol Exp Neurol 2002;61(5):413-26.
(2) Savica R, et al. When does Parkinson disease start? Arch Neurol 2010;67(7):798-801.
(3) Tolosa E, et al. The diagnosis of Parkinson’s disease. Lancet Neurol 2006;5(1):75-86.
(4) Beach TG, et al. Multi-organ distribution of phosphorylated alpha-synuclein histopathology in subjects with Lewy body disorders. Acta Neuropathol 2009;119(6):689-702.
(5) Lebouvier T, et al. Routine colonic biopsies as a new tool to study the enteric nervous system in living patients. Neurogastroenterol Motil 2010;22(1): e11-4.
(6) Lebouvier T, et al. (). "Colonic biopsies to assess the neuropathology of Parkinson’s disease and its relationship with symptoms." PLoS One 2010;5(9): e12728.
(7) Lebouvier T, et al. Biopsable neural tissues: toward new biomarkers for Parkinson’s disease? Front Psychiatry 2010;1: 128.
(8) Ikemura M, et al. Lewy body pathology involves cutaneous nerves. J Neuropathol Exp Neurol 2008;67(10): 945-53.
(9) Miki Y, et al. Clinical availability of skin biopsy in the diagnosis of Parkinson’s disease. Neurosci Lett 2009;469(3):357-9.
(10) Del Tredici K, et al. Lewy pathology in the submandibular gland of individuals with incidental Lewy body disease and sporadic Parkinson’s disease. Acta Neuropathol 2009;119(6):703-13.
(11) Cersosimo MG, et al. Alpha-synuclein immunoreactivity in minor salivary gland biopsies of Parkinson’s disease patients. Mov Disord 2011;26(1):188-90.
(12) Schemann M, Neunlist M. The human enteric nervous system. Neurogastroenterol Motil 2004;16 Suppl 1:55-9.
(13) Lebouvier T, et al. The second brain and Parkinson’s disease. Eur J Neurosci 2009;30(5):735-41.
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