LE QUOTIDIEN : Le lécanémab – commercialisé sous le nom de Leqembi (Eisai/Biogen) – pourrait être disponible en France courant 2025 et le donanémab est en cours d'évaluation. Quels défis se posent pour le médecin généraliste ?
Dr Éric Dumas : Dès lors que le lécanémab – médicament destiné à ralentir le déclin cognitif – sera disponible en France, le généraliste sera certainement très sollicité par les patients. Il devra répondre à leurs nombreuses interrogations et être capable de les évaluer pour identifier ceux susceptibles de pouvoir en bénéficier. Il devra également être formé aux indications du lécanémab mais aussi au dépistage de ses effets indésirables (troubles visuels, céphalées, troubles neurologiques de la marche…). Pour cela, il a besoin d'outils simples et efficaces mais aussi d'une consultation dédiée et financée.
Avec l'arrivée des nouveaux anticorps monoclonaux, les généralistes devront ainsi être davantage impliqués dans le repérage des patients au stade précoce de la maladie : une communication accrue entre ces spécialistes et les professionnels des consultations mémoire devra être mise en place rapidement.
Ces traitements seraient administrés dans les centres mémoire de ressources et de recherche (CM2R). Quels messages souhaitez-vous transmettre aux généralistes pour le repérage ?
Toute plainte cognitive doit être entendue. Et cela, quel que soit l'âge du patient. Jusqu'ici, il n'y avait pas d'urgence à poser un diagnostic de trouble neurocognitif. Mais avec l'arrivée des nouveaux médicaments, nous sommes face à un changement de paradigme. Les généralistes auront pour mission le diagnostic précoce de la maladie d’Alzheimer (MA). Au sein de la Fédération des centres mémoire, nous avons décidé, il y a 18 mois, de dédier un groupe de travail associant la médecine générale au diagnostic précoce de la MA. Nous allons notamment faire le point sur les tests simples pouvant être effectués par le médecin traitant. À l’avenir, il sera nécessaire d'établir des recommandations favorisant une évaluation appropriée et réalisable des troubles cognitifs débutants par le généraliste.
Quelles sont les recommandations en matière de diagnostic ?
Le médecin généraliste dispose de plusieurs outils de travail. Les recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS ) de 2011 mentionnaient déjà l'importance du diagnostic précoce devant une plainte cognitive ou une aggravation notée par l'entourage. Celles de 2018 détaillent le repérage des premiers signes et les modalités de l'établissement du diagnostic avec des algorithmes décisionnels. Il y est mis en avant les tests rapides tels que le Moca (Montréal Cognitive Assessment), le MMSE (Mini-Mental State Examination) ou le GP-COG (General Practitioner Cognition). Ce dernier comprend notamment un test facilement cotable et reproductible (appelé test de l'horloge) permettant au généraliste de détecter un trouble cognitif en moins de 5 minutes. Le Mini-IADL à items semble également indispensable pour évaluer l’impact des difficultés dans la vie quotidienne.
Néanmoins, ces tests ne suffisent pas à émettre un diagnostic de MA, le généraliste doit également effectuer un examen neurologique standard pour détecter d'éventuels troubles du langage, troubles praxiques, gnosiques, visuels, syndromes extrapyramidaux, parkinsoniens. Le bilan biologique (bilan thyroïdien, dosage des vitamines B9 et B12, sérologies des maladies infectieuses, selon le contexte) ainsi que l'IRM cérébrale sont également indispensables.
Outre le repérage, quelles autres missions pour le médecin généraliste ?
Une fois effectué le diagnostic précoce des patients, il devra les adresser aux CM2R ou aux consultations mémoire de son territoire. S'il ne pourra pas prescrire ces médicaments, il devra surveiller les patients de façon accrue et avoir connaissance des possibilités de survenue d'Arias (Amyloid-Related Imaging Abnormalities) chez les personnes qui prennent ce type de traitement. Ces anomalies visibles à l’IRM résultent de l’activité de ces médicaments provoquant la destruction des plaques amyloïdes. Ces Arias sont le plus souvent asymptomatiques mais peuvent être plus importants (œdèmes, saignements dans le cerveau) et induire l'arrêt du traitement. Quoi qu'il en soit, le généraliste doit rester un interlocuteur privilégié pour ces patients.
D’après une conférence de presse du laboratoire Eisai
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