Le Pr Baulieu à l’Académie des sciences

FKBP52, un antidote à la protéine tau anormale testé dans la maladie d’Alzheimer

Publié le 09/05/2014
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Crédit photo : AFP

Un enfant sur deux né après 2000 vivra jusqu’à 100 ans et, à partir de 85 ans, une personne sur deux n’a plus toute sa tête. Un constat dressé par le Pr Baulieu qui justifie que l’on mette les moyens* sur la recherche en matière de démences séniles. Les démences vasculaires sont en l’occurrence minoritaires et les tauopathies, au sein des maladies neurodégénératives, les plus importantes, au moins numériquement.

L’hyperphosphorylation de la protéine TAU (pour Tubulin Associated Unit), mais encore ses formes tronquées, son agrégation en « buissons » ou le mode de propagation de cette tau anormale (prion-like), est associée à la progression de la démence.

Dès 2010, l’équipe du Pr Baulieu, devenu « tauoiste » (sic) par la force de ses découvertes, avait mis en évidence l’interaction entre la protéine tau et la protéine FKBP52 (découverte en 1992 dans le cadre de ses recherches sur les neurostéroïdes) qui se lierait à la tubuline et inhiberait sa polymérisation, s’opposant ainsi à l’accumulation de tau dans les neurones et à la formation de microtubules.

Une étude chez les poissons-zèbres

Grâce à la Résonance magnétique nucléaire, la proximité géographique de l’une et l’autre protéine a depuis été confirmée et les anomalies protéiques mises en lumière, acide aminé après acide aminé. Sur le cortex temporal et frontal de malades décédés d’une démence sénile (Alzheimer ou autres démences) provenant de la cérébrothèque de la Salpêtrière (Paris), ils ont ensuite constaté l’effondrement (de 75 %) de la protéine FKBP52, associé à une hyperphosphorylation de Tau, ce qui confortait l’hypothèse qu’une moindre concentration de cette protéine in situ pourrait être à l’origine de la maladie. Enfin, en 2014, la proximité non seulement physique, mais fonctionnelle des deux protéines, Tau et FKBP52, a été révélée, la seconde modifiant la conformation de Tau pathologique et son fonctionnement.

Dernière étape, in vivo cette fois, la preuve de concept, qui vient de faire l’objet d’une publication*, conduite sur des poissons-zèbres, animal modèle de Tau humaine pathologique chez lequel une guérison a été constatée, in vivo, avec l’introduction d’une FKBP52 (qui modifie les acides aminés altérés de Tau), du point de vue biochimique donc et comportemental : le poisson redevient capable de fuir le contact alors qu’il était jusqu’ici inerte. « Nous avons découvert une protéine efficace qui peut être stimulée ou modifiée et qui peut être utilisée comme une arme contre les anomalies de la protéine Tau », a souligné le Pr Baulieu.

Pour les prochaines étapes, il s’agit de savoir s’il existe un « seuil d’insuffisance » de la protéine FKBP52, en deçà duquel les conditions de survenue d’une maladie d’Alzheimer sont en place. Un certain nombre de prélèvements de liquide céphalo-rachidien sont nécessaires, de sujets sains ou malades, afin de doser la protéine. Il convient par ailleurs de sélectionner des ligands pharmacologiques de FKPB52 qui dynamisent la FKBP52 contre Tau, et bien sûr s’assurer de leur innocuité.

*www.institut-baulieu.org; Immunophilin FKBP52 induces Tau-P301L filmentous assembly in vitro and modulates its activity in a model of tauopathy, Proceedings of the National Academy of Sciences of the USA, mars 2014

Dr Brigitte Blond

Source : Le Quotidien du Médecin: 9325