PAR LES Drs ANNE-EVELYNE VALLET, NADIA VANDENBERGHE, PHILIPPE PETIOT, CHRISTOPHE VIAL*
LA PREMIÈRE manifestation du syndrome Triple A consiste le plus fréquemment en une insuffisance surrénalienne aiguë. Le diagnostic est le plus souvent porté par les endocrinologues pédiatriques ou les gastro-entérologues pédiatriques, l’alacrymie étant en général sans conséquence fonctionnelle. Ces patients peuvent présenter d’autres symptômes non neurologiques comme une langue fissurée (figure a) ou une dysfonction ovarienne.
Cependant, même dans les formes classiques, un certain nombre de manifestations neurologiques sont fréquentes. Le terme « Quadruple A » a été proposé par certains auteurs en raison d’une dysautonomie habituelle (Autonomic disturbances) se manifestant par une hypotension orthostatique, des troubles sphinctériens, des troubles de la sudation ou du transit.
On retrouve également fréquemment associés, un syndrome pyramidal, une neuropathie périphérique, un syndrome cérébelleux, une atteinte bulbaire, des manifestations neuro-ophtalmologiques (notamment des anomalies de la réactivité pupillaire, une atrophie optique, un syndrome de Claude-Bernard-Horner) et un retard mental. Certains patients ont des anomalies orthopédiques (figures b,c,d) faisant évoquer une neuropathie héréditaire de type Charcot-Marie-Tooth (CMT). De façon plus anecdotique, ont été décrits des syndromes extrapyramidaux et des atteintes myogènes.
La neuropathie périphérique est le plus souvent de type axonale, motrice pure ou à prédominance motrice, non longueur-dépendante, car touchant de façon diffuse les membres inférieurs mais prédominant sur le versant cubital aux membres supérieurs (figure f). L’atteinte sensitive est plus modérée, souvent limitée aux membres inférieurs.
Ces symptômes neurologiques sont d’évolution lente, sur plusieurs années. La plupart des patients sont ambulatoires à l’âge adulte, mais certains peuvent être contraints de recourir à un fauteuil roulant.
Dans les formes tardives du syndrome Triple A, l’atteinte neurologique peut être au premier plan, et donc égarer le diagnostic. Les associations syndromiques neurologiques peuvent en effet mimer certains tableaux cliniques plus connus : les atteintes motoneuronales, l’amyotrophie bulbospinale, les ataxies spinocérébelleuses, les amyotrophies spinales, les pathologies inflammatoires progressives, l’adrénoleucodystrophie, les CMT, et de nombreuses mitochondriopathies qui sont connues pour donner des atteintes neurologiques plurisyndromiques. Cependant, dans notre expérience et dans la revue de la littérature, même dans ces cas, l’alacrymie est presque constante, ainsi que l’antécédent de chirurgie de l’œsophage pour achalasie. Mais l’alacrymie est la plupart du temps uniquement un diagnostic d’interrogatoire, n’entraînant pas de plainte fonctionnelle, et les antécédents d’achalasie sont souvent oubliés. L’insuffisance surrénalienne est présente dans environ 50 % des cas, mais n’est souvent dépistée que par des tests biologiques, notamment dynamiques. Dans ces cas, la substitution hormonale peut avoir un effet sur l’asthénie et l’hypotension, entraînant une amélioration de la qualité de vie.
Vingt-et-un cas dépistés en 10 ans.
Génétiquement, il s’agit donc d’une pathologie autosomique dominante, ubiquitaire, liée à une mutation du gène AAS en 12q13 (de nombreuses mutations décrites, certaines dans les régions codantes, d’autres dans les régions non codantes, avec de nombreux patients hétérozygotes composites), codant pour une protéine nommée ALADIN, qui semble être une partie du complexe du pore nucléaire. La fonction exacte de ce gène est inconnue. La recherche de mutation est aisée, mais coûteuse. En effet, elle ne se fait pas en France. Nous envoyons nos prélèvements en Espagne, à Saint-Jacques-de-Compostelle (Dr Lourdes Loidi). Dans ce laboratoire, un des rares au monde qui fasse ce diagnostic en routine, uniquement 21 cas ont été détectés sur les dix dernières années.
Les moyens thérapeutiques sont assez limités : traitement chirurgical de l’achalasie de l’œsophage, traitement substitutif des déficits hormonaux, ce qui peut éviter des décompensations aiguës. L’intérêt d’un diagnostic dans ces formes de révélation neurologique tardive est de limiter les investigations complémentaires et de rassurer les patients du fait d’un pronostic relativement bon par rapport aux autres pathologies initialement évoquées.
* Service d’électroneuromyographie et de pathologies neuromusculaires, hôpital neurologique-GHE, Lyon-Bron.
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a: langue fissurée
b: pieds creux
c: rétractions achilléennes
d: pectus excavatum
e: atrophie distale
f: atrophie prédominant sur le bord cubital de la main
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