LE QUOTIDIEN : À quels progrès dans la sclérose en plaques (SEP) l’Arsep a-t-elle participé depuis sa création ?
Pr JEAN PELLETIER : La recherche a fait d’énormes progrès, à la fois dans la connaissance de la maladie et dans la prise en charge diagnostique et thérapeutique, au cours des deux dernières décennies par rapport aux 30 années qui ont précédé. Depuis 1970, l’Arsep a accordé 30 millions d’euros à la recherche et soutenu 600 projets.
Depuis les tout premiers traitements de fond disponibles (1995-1996), la prise en charge thérapeutique s’est considérablement affinée. Le diagnostic peut être désormais posé très tôt avec l’IRM et les critères sont à la fois plus sensibles et plus spécifiques. L’accès aux traitements permet de bloquer l’activité inflammatoire, ce qui permet de limiter les symptômes liés aux poussées, les séquelles et le handicap. Avec un recul de 10-15 ans, les patients dont la maladie a débuté dans les années 2000 vont bien aujourd’hui.
Les traitements de première ligne sont efficaces, mais nettement moins que ceux de troisième ligne disponibles depuis quelques années. Ainsi, les immunomodulateurs (interféron, acétate de glatiramère), les premiers à avoir été mis à disposition, diminuent la fréquence des poussées et l’activité inflammatoire. Puis sont arrivés les immunosuppresseurs par voie orale - le tériflunomide (Aubagio), le diméthyl fumarate (Tecfidera), le Fingolimod (Gilenya) - qui impactent la réponse immunitaire. Des traitements immunosuppresseurs hautement actifs tels que la mitoxantrone (Elsep), le natalizumab (Tysabri), la première biothérapie, et plus récemment la classe des anti-CD20 (rituximab, ocrélizumab, ofatumumab) ont montré des effets plus importants sur l’inflammation.
Comment la stratégie thérapeutique a-t-elle évolué ?
La tendance est d’aller vers une prise en charge personnalisée, car la maladie est très hétérogène. Certains patients ont une évolution bénigne, d’autres une évolution plus agressive. Certains font beaucoup de poussées, d’autres peu.
L’objectif désormais est de prédire l’évolution chez un patient donné et de savoir si la maladie sera plutôt bénigne ou agressive. Dès les premières années, il est possible de disposer de marqueurs (nombre de poussées et/ou de lésions à l’IRM). L’IRM est plus sensible pour détecter l’activité inflammatoire, même en l’absence de symptômes. L’évolution de la maladie lors des quatre ou cinq premières années peut prédire le niveau de handicap à 10-15 ans. Jusque-là, il était admis de débuter par un traitement moyennement actif et d’adapter la prise en charge thérapeutique en fonction de l’évolution (escalade). Mais il y a de plus en plus d’arguments pour aller d’emblée vers des traitements hautement actifs (induction).
Toute la problématique est de décrypter le profil du patient dès le début de la SEP, mais tout en tenant compte des effets secondaires, de la tolérance au long cours et de la réponse individuelle. C‘est ce qui détermine le choix de la molécule et c’est une balance très discutée. Les traitements très actifs sont clairement plus efficaces, mais nous manquons de recul pour les molécules les plus récentes.
La pandémie de Covid nous a ainsi appris que la classe des anti-CD20 était associée à des formes plus sévères de l'infection, mais également qu’elle diminuait l’efficacité de la vaccination. En revanche, des études ont montré que le rituximab et l’ocrélizumab, administrés par voie IV tous les six mois, continuent à avoir un effet prononcé au-delà, permettant ainsi d’espacer les perfusions. Une adaptation peut alors être envisagée selon les caractéristiques de la maladie et de la réponse thérapeutique.
Quels défis restent-ils à relever dans la SEP ?
Nous sommes actuellement très armés contre la forme la plus classique, la forme rémittente, mais beaucoup moins pour les formes progressives, qu’elles soient primaires ou secondaires. De nombreuses recherches sont en cours pour décrypter les mécanismes physiopathologiques impliqués dans la progression.
Un autre espoir repose sur le développement des molécules neuroprotectrices réparatrices de la démyélinisation, car il existe encore des formes agressives avec séquelles. La recherche avance lentement, car les mécanismes sont actuellement mal connus et il n’existe pas aujourd’hui de biomarqueurs permettant de mesurer la remyélinisation et la neuroprotection. L’évaluation ne peut alors se faire que sur des paramètres cliniques, augmentant la durée des études.
Quels champs de recherche sont priorisés par l’Arsep ?
La Fondation investit tous les champs de recherche allant des sciences fondamentales, telles que l’immunologie et la neurobiologie, aux sciences humaines et sociales permettant de mieux appréhender les conséquences de la maladie chez des sujets jeunes (vie familiale et professionnelle, activité physique), en passant par la recherche clinique afin d’améliorer les critères diagnostiques, de progresser dans la compréhension des symptômes invisibles tels que la fatigue les troubles urinaires ou les déficits cognitifs, ou encore de développer de nouvelles techniques d’imagerie. Cette démarche doit donc rester transversale et multidisciplinaire.
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