À partir d’injections péritonéales

Une amyloïdose cérébrale déclenchée chez la souris

Publié le 25/10/2010
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IL EST GÉNÉRALEMENT admis que la maladie d’Alzheimer et l’angiopathie amyloïde cérébrale sont déclenchées par le mauvais pliage et l’accumulation d’un fragment protéique appelé amyloïde bêta (Abêta). Dans la maladie d’Alzheimer, l’Abêta mal repliée est déposée principalement dans les plaques amyloïdes entre les neurones cérébraux, tandis que dans l’angiopathie amyloïde cérébrale, elle s’agrège dans les parois des vaisseaux sanguins, interférant avec leur fonction et, dans certains cas, provoquant leur rupture et une hémorragie cérébrale.

En 2006, des chercheurs dirigés par Mathias Jucker de l’université de Tubingen en Allemagne, montraient que l’injection intracérébrale, chez des souris transgéniques, d’Abêta mal repliée extraite des cerveaux de patients décédés de maladie d’Alzheimer, était capable de déclencher l’agrégation de l’amyloïde bêta et une amyloïdose cérébrale (« Science » 2006, Meyer-Luhmann et coll.). Les chercheurs avaient injecté une quantité infime d’extraits cérébraux alzheimériens dans les cerveaux de souris transgéniques qui avaient été modifiées génétiquement afin d’exprimer la protéine humaine précurseur de l’amyloïde bêta (souris tg APP). Quatre mois après l’injection cérébrale, les souris présentaient de nombreux dépôts d’amyloïde bêta dans leur cerveau. À l’inverse, les souris témoins qui recevaient une injection d’extrait de cerveau sain ne déclaraient aucune pathologie amyloïde. Ceci suggérait que du matériel cérébral contenant l’Abêta entrant en contact direct du cerveau peut induire une amyloïdose cérébrale.

Voies orale, intraveineuse, intra-oculaire ou intranasale.

Les extraits d’Abêta ressembleraient donc en cela aux prions infectieux, les protéines prions au repliement anormal dont la propagation est responsable d’une dégénérescence du système nerveux central. Toutefois alors que les maladies à prions peuvent être aussi déclenchées par l’introduction des prions anormaux dans des sites périphériques à distance du cerveau, les études récentes n’ont pas réussi à provoquer l’amylose cérébrale chez les souris après inoculation d’extraits d’Abêta par voies orale, intraveineuse, intra-oculaire ou intranasale.

Dans une nouvelle étude, Eisele, Jucker et coll montrent que l’injection intrapéritonéale d’extraits cérébraux riches en amyloïde bêta mal repliée (provenant de souris transgéniques atteintes de maladie d’Alzheimer), chez de jeunes souris transgéniques (tg APP), déclenche l’apparition d’une amyloïdose cérébrale après une période d’incubation de 7 mois.

Les dépôts d’Abêta provoqués par l’inoculation intrapéritonéale chez les souris sont principalement associés aux vaisseaux sanguins (angiopathie amyloïde cérébrale), mais il existe également des plaques amyloïdes entre les neurones et d’autres anomalies liées à la maladie d’Alzheimer.

Les chercheurs ont estimé que l’injection intrapéritonéale de 1 000 fois plus d’Abêta prend ainsi entre 2 a 5 fois plus longtemps pour induire l’amyloïdose cérébrale que l’injection intracérébrale.

« Par conséquent, à l’instar des maladies à prions, l’amyloïdose bêta cérébrale peut être ensemencée dans le cerveau par des agrégats protéiques homologues délivrés dans la cavité péritonéale », déclarent les chercheurs. « Puisque l’expression de l’APP humaine est confinée au système nerveux des souris transgéniques dans ce modèle, il est probable que la semence transportée au cerveau était le matériel injecté lui-même, plutôt que des agrégats d’Abêta d’abord amplifiés dans les tissus périphériques. La découverte de l’existence des mécanismes permettant le transport d’agrégats d’Abêta de la périphérie au cerveau justifie la mise en place d’études supplémentaires pour mieux comprendre l’origine cellulaire et moléculaire de ces maladies et clarifier la base des protéopathies infectieuses par rapport aux non infectieuses », concluent les chercheurs.

Sciencexpress 21 octobre 2010, Eisele et coll.

Dr VÉRONIQUE NGUYEN

Source : Le Quotidien du Médecin: 8843