« Le cerveau est l’un des premiers intégrateurs de signaux qui indiquent le statut énergétique, et il joue donc un rôle majeur dans les comportements alimentaires — le besoin ou non de manger — en fonction des stocks », rappelle le Dr Serge Luquet, qui dirige l’équipe C2OFFEE au sein de l’Unité « Biologie Fonctionnelle & Adaptative » CNRS UMR 8 251, Université de Paris.
L’intégration des signaux de faim et de satiété au niveau cérébral enclenche une réponse adaptative métabolique et comportementale, qui vise à assurer le maintien des stocks énergétique. La leptine, au centre de ces mécanismes, est en lien avec des populations neuronales ayant des actions exactement opposées dans la régulation de la balance énergétique : des neurones stimulants la prise alimentaire, en particulier les neurones à neuropeptide Y (NPY) et à agouti-related protein (AgRP) et, à l’inverse, des neurones anorexigènes, les neurones à pro-opiomélanocortine (Pomc), qui sécrètent l’alpha-melanocyte-stimulating-hormone (alpha-MSH).
L’apport des nouveaux outils
Les avancées technologiques ont permis de conforter les avancées conceptuelles. Grâce à l’optogénétique, technique qui consiste à introduire, dans une cellule, un gène qui code pour une protéine photosensible qui va s’activer lorsqu’elle est éclairée avec une lumière spécifique, on a pu démontrer formellement le rôle de ces neurones. S’ils sont activés par la lumière, via une fibre optique implantée au niveau cérébral, la souris mange ; dès que la stimulation lumineuse cesse, la souris se désintéresse de la nourriture et s’arrête de manger.
Le rôle de la dopamine
À côté des signaux énergétiques, l’autre grand versant de la régulation de la prise alimentaire découle des circuits du plaisir, sous la dépendance de la dopamine. « La récompense (le "reward") comporte trois éléments », détaille le Dr Luquet. D’abord l’apprentissage, la prédiction (comme avec le chien de Pavlov, l’association cognitive médiée par la dopamine), ensuite le plaisir (« liking »), « on peut aimer sans avoir désiré », souligne le chercheur, évoquant ainsi la dernière facette, le désir (« wanting »), dont la forme exacerbée et irrépressible est le « craving ».
« Dans ce contexte aussi, l’apport des modèles animaux a été essentiel pour démontrer le rôle clé de la dopamine. Par exemple, une souris qui, après une manipulation génétique, ne produit pas de dopamine, tête à la naissance par réflexe. Mais, arrivée à l’âge de 3 semaines, âge où elle devrait manger seule, elle ne mange pas, et meurt, alors qu’elle a métaboliquement faim. Si on lui injecte de la L-dopa, elle se remet à explorer la nourriture », explique le Dr Luquet.
Ainsi, le contrôle de la prise alimentaire est plus ou moins métabolique et plus ou moins hédonique. Quand on a très faim, les valeurs hédoniques jouent un rôle moindre : « on mangerait n’importe quoi » ; une expression qui traduit bien la réalité physiologique. Et à un instant donné, il y a une pondération des besoins métaboliques et du plaisir. La balance entre ces deux types de circuits explique la difficulté à développer des molécules agissant sur la prise alimentaire.
« Notre équipe a récemment mis en évidence le rôle des triglycérides alimentaires dans le contrôle des neurones du circuit de la récompense, indique le Dr Luquet, cela souligne bien l’importance d’avoir une vision holistique de la prise alimentaire, afin de conceptualiser le découpage entre sphère métabolique et sphère cognitive ».
Exergue : La balance entre les deux circuits explique la difficulté à développer des thérapeutiques
Entretien avec le Dr Serge Luquet, Unité « Biologie Fonctionnelle & Adaptative ». Université de Paris, CNRS UMR 8 251
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