PAR LE Dr JEAN-MICHEL PEDESPAN*
LES RYTHMES sont présents à tous les niveaux de l’organisation biologique des règnes animal et végétal, de la cellule à l’organisme dans son intégralité, allant de la fraction de seconde à plusieurs années. Ils résultent de processus de régulation qui mettent en jeu des canaux ioniques au niveau neuronal et cardiaque. La préservation de ces rythmes est essentielle au bon développement de l’enfant. Le rythme biologique est une suite de variations physiologiques liées à des hormones (cortisol, mélatonine…). Il est circadien si sa période est d’environ 24 heures. C’est un phénomène périodique et prévisible qui résulte de facteurs exogènes et endogènes. Les principaux facteurs exogènes des rythmes biologiques sont principalement constitués par l’alternance lumière-obscurité, repos-activité, veille-sommeil, chaud et froid, saisons, horaires des repas… Les facteurs endogènes impliquent des gènes qui régulent le cycle activité-repos, tant chez l’animal que dans l’espèce humaine. Les rythmes sont génétiquement déterminés et modulés par des facteurs de synchronisation « qui sont livrés aux caprices des facteurs cellulaires et extracellulaires régulant l’expression des gènes et leurs déploiements spatio-temporels ». De nombreux gènes sont identifiés, formant des complexes, qui exercent une régulation sur la transcription d’autres gènes alors que l’induction de certains gènes est directement liée à la lumière. L’horloge interne qui coordonne les rythmes biologiques est constituée par le noyau suprachiasmatique qui conserve un rythme de base autonome même si les indices du cycle jour-nuit sont supprimés. La glande pinéale, sensible à la lumière, reçoit des signaux du noyau suprachiasmatique et induit indirectement la production de mélatonine. Celle-ci est considérée comme l’hormone du sommeil. Elle est utilisée en thérapeutique dans des pathologies génétiques avec troubles sévères du sommeil (syndromes d’Angelman et de Smith et Magenis). Elle est produite quand la lumière du jour décline. Son taux plasmatique s’élève en même temps que la température corporelle s’abaisse et que le besoin de dormir est de plus en plus présent. La lumière du jour inhibe l’activité de la glande pinéale.
Trois règles essentielles devraient être respectées dans les rythmes scolaires pour tenir compte des rythmes biologiques :
– protéger le cerveau immature de l’enfant ;
– protéger le sommeil, facteur essentiel de la compréhension ;
– éviter de désynchroniser un système circadien par le bruit, l’excès de luminosité, la fatigue excessive provoquée par les activités extrascolaires, les couchers tardifs. On observe une diminution du temps de sommeil de la maternelle au CM2. On remarque que les enfants issus de quartiers défavorisés perdraient une heure de sommeil, liée à des heures de coucher plus tardives et des facteurs d’environnement difficiles. Un respect quantitatif et qualitatif du sommeil permet un développement harmonieux et favorise les apprentissages. La synchronisation des rythmes veille-sommeil s’installe dès les premières semaines de vie et les principales caractéristiques du sommeil à l’âge adulte se mettent en place dans les deux premières années de vie. Les fluctuations de l’activité intellectuelle au cours de la journée sont aussi strictement liées à la qualité du sommeil.
Fluctuation de la vigilance et capacités intellectuelles.
A la suite des travaux de Montagner, on observe une fluctuation des capacités au cours de la journée avec de faibles performances entre 8 30 et 9 h 30, puis une attention optimale entre 9 h 30 et 12 h 00, puis une diminution sensible de la vigilance et des performances entre 13 h 30 et 15 h 00, enfin une période d’efficience intellectuelle entre 15 h 00 et 17 h 00. Les principales constatations faites concernant la fluctuation des performances durant la semaine, montrent que le lundi est un jour de performance médiocre du fait de la désynchronisation provoquée par le week-end. Les mardis et jeudis sont des jours de bons résultats et de comportement équilibré. Curieusement, le repos du mercredi en milieu de semaine ne provoque pas de désynchronisation. Les variations journalières des performances intellectuelles sont encore plus présentes chez les élèves qui ne maîtrisent pas une tâche, soulignant l’importance des accompagnements.
Pour une meilleure organisation de la journée et de la semaine.
Il est aujourd’hui possible de définir le rythme scolaire idéal destiné à une majorité d’élèves. De nombreux rapports de grande qualité ont été publiés (Académie de Médecine 2010, Y. Touitou et P. Bègue). Tous conseillent de tenir compte des rythmes biologiques, de la qualité et de la durée du sommeil, des variations quotidiennes de la vigilance. La conclusion de ce rapport propose une année scolaire de 180 à 200 jours au lieu de 144, 5,5 heures de travail par jour dans les classes primaires au lieu de 6 et 4,5 à 5 jours de classe par semaine en fonction des saisons et des conditions locales.
L’organisation actuelle est en totale contradiction avec les conclusions de ce rapport. Si les systèmes éducatifs européens sont étroitement liés à des facteurs économiques, culturels, géographiques ou religieux, on constate aujourd’hui qu’il est très difficile d’organiser des rythmes scolaires dans une société de loisirs, de tourisme, dans laquelle les parents d’élèves ont aussi changé de génération. L’école latine (France, Italie, Espagne, Grèce) qui privilégie l’acquisition des connaissances est probablement en difficulté pour organiser la semaine d’écoliers qui vivent beaucoup dans un monde virtuel et de plus en plus dans une société multiculturelle. Il s’agit d’enfants qui manipulent plusieurs informations simultanées, mais qui connaissent, intègrent ou synthétisent différemment de la génération qui les a précédés.
L’étude des rythmes scolaires reste une pomme de discorde entre l’institution scolaire, les parents, les industriels du tourisme… Il faut savoir nuancer ces constatations car les facteurs sociaux et culturels dans l’échec scolaire sont probablement plus importants que les faiblesses de l’organisation des rythmes. Il serait souhaitable d’avoir moins d’école, mais une meilleure école où l’établissement scolaire serait susceptible d’évoluer vers un lieu de vie multiple en évitant l’opposition simpliste « cours le matin, sport l’après-midi », qui ne résout pas les problèmes en l’absence d’accompagnement. Les enfants des milieux favorisés continueront à bénéficier d’activités extrascolaires bien dosées alors que ceux de milieux défavorisés resteront confrontés durant leur temps libre à la vacuité ou à la télévision. Les accompagnements des temps libres devront être financés par les collectivités locales, l’État, et il ne suffira pas de libérer du temps pour imaginer résoudre le problème de l’organisation des rythmes scolaires. Il est important de tenir compte de la fatigue des enfants en répartissant mieux les apprentissages au cours de la journée, de la semaine et de l’année. Le temps scolaire est indissociable de la pédagogie. L’alternance de travail en groupe et de travail individuel, de pauses consacrées aux activités physiques permet probablement un meilleur apprentissage. Enfin, des aménagements locaux devraient être envisagés dans les zones rurales qui supportent de nombreuses contraintes liées aux transports scolaires et aux activités extrascolaires plus réduites qu’en zones urbaines.
*Neuropédiatre, CHU de Bordeaux.
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