IL N’EXISTE PAS D’AMM pour les bisphosphonates en pédiatrie de sorte que quel que soit l’objet de leur utilisation, celle-ci se fait toujours hors AMM. Ce n’est pas propre à la France : les bisphosphonates n’ont d’AMM pédiatrique dans aucun pays au monde. Cette situation n’est pas prête de changer, puisque le marché est trop confidentiel et le coût des essais cliniques en pédiatrie, trop important. Pour autant, les études observationnelles déjà réalisées dans le monde depuis une quinzaine d’années et les résultats positifs obtenus dans des indications pour lesquelles il n’existe pas d’autres alternatives, sont suffisamment éloquents pour ne pas avoir peur de les utiliser dans des situations bien précises. En France, un groupe de travail de la Société Française d’Endocrinologie Pédiatrique (SFEDP) s’est d’ailleurs constitué et travaille pour produire, courant 2014, des recommandations de bonnes pratiques d’utilisation des bisphosphonates en pédiatrie…
Un bon recul dans l’ostéogénèse imparfaite et le polyhandicap
La situation dans laquelle ce traitement a été utilisé en premier est l’ostéogénèse imparfaite (maladie de Lobstein ou des os de verre). Dans cette indication, la forme intraveineuse (pamidronate ou zoledronate) comme la forme orale (risedronate), a une efficacité réelle sur l’incidence des fractures et les douleurs : la balance bénéfice – risque est donc favorable à son utilisation.
Depuis cette première expérience qui date de 1998, l’utilisation des bisphosphonates a été étendue chez l’enfant, à d’autres situations où il existe une fragilité osseuse, en particulier les enfants polyhandicapés (leur fragilité venant du fait qu’ils ne bougent pas du tout).
« La plupart des protocoles sont basés sur ces premières études datant de 1998 : entre 3-4 ans et l’adolescence, la dose administrée est de 3 mg/kg tous les trois mois, précise le Dr Linglart. La tendance actuelle est même à la baisse, avec une fourchette entre 6 et 10 mg/kg et par an. Chez le tout petit, enfin, les injections sont plus rapprochées que chez l’adulte en raison du turnover osseux très important à cet âge. La forme orale est peu utilisée chez le jeune enfant car on ne peut jamais être sûr qu’il va avaler correctement le comprimé. C’est aussi pourquoi les bisphosphonates sont principalement prescrits à l’hôpital (en hôpital de jour, hormis la première injection qui peut provoquer un syndrome grippal) et très peu en libéral. Le pédiatre de ville intervient plutôt pour adresser son patient à l’hôpital (c’est donc à lui de penser à cette indication) et pour surveiller les suites du traitement : amélioration clinique, amélioration de la prise alimentaire et du poids qui vont de pair avec la disparition des douleurs, nombre de fractures, etc. Il est également très important que l’entourage médical du patient (pédiatre référent ou généraliste) favorise la mobilisation, la prise de vitamine D, les apports en calcium, la nutrition, soit toute une série de mesures autour des bisphosphonates qui sont indispensables à la reconstruction osseuse ».
Parmi les effets positifs observés chez l’enfant, les bisphosphonates améliorent très nettement le remodelage osseux, y compris au niveau des tassements de vertèbres. Concernant la tolérance à long terme, il n’y a pas eu de cas rapporté chez l’enfant, d’ostéonécrose de la mâchoire, peut-être aussi parce que les doses utilisées sont moins importantes et pour des périodes moins prolongées que chez l’adulte. Par ailleurs, le nombre d’enfants à qui ce type de traitement est prescrit, est minime par rapport aux adultes : étant donné que les ostéonécroses de la mâchoire sont exceptionnelles, il n’est donc pas étonnant que cet incident ne se soit pas encore produit en pédiatrie. En revanche, le syndrome grippal décrit lors de la première perfusion est exactement le même que chez l’adulte, mais cela reste un effet indésirable tolérable, surtout si la famille est prévenue et si l’équipe médicale fait une prévention systématique de l’épisode fébrile avec du paracétamol. « Concernant les autres aspects de la tolérance, nous savons aujourd’hui que la croissance n’est pas affectée par ce traitement. Le fait que les bisphosphonates bloquent la résorption osseuse n’empêche pas les dents de pousser, mais cela se fait parfois avec retard : il suffit donc d’en avertir les parents afin de leur éviter de s’inquiéter. Enfin, quelques études de tératogénicité n’ont pas montré de problème, mais étant donné leur nombre insuffisant pour conclure, la prudence impose de faire un test de grossesse préalable à toute prescription chez les adolescentes ».
Une discussion au cas par cas dans toutes les autres situations
En dehors de ces deux situations (ostéogénèse imparfaite et polyhandicap), il existe très peu d’études. Il faut donc être prudent et avoir des discussions pluridisciplinaires : « l’utilisation des bisphosphonates chez les enfants ayant des corticothérapies prolongées reste ainsi très discutée. Elle l’est aussi dans les situations d’ostéoporose idiopathique juvénile ou le syndrome de Mac Cune Allbright» insiste le Dr Linglart. Quant à l’hypercalcémie aiguë qui est une situation d’urgence, elle représente un cas à part : le pédiatre peut être amené à faire une perfusion de bisphosphonates pour abaisser la calcémie, mais comme il s’agit d’une utilisation ponctuelle, il y a peu de risques à long terme et la gravité de la situation justifie leur utilisation…
D’après un entretien avec le Pr Agnès Linglart, Centre de référence des Maladies Rares du Métabolisme du Calcium et du Phosphore, service d’endocrinologie et du diabète de l’enfant, hôpital Bicêtre, Paris.
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024