Comment favoriser le développement de nouveaux médicaments adaptés aux enfants, notamment aux plus jeunes ? Tout simplement en mettant en place des mécanismes incitatifs pour les firmes. C’est en suivant cette logique que la France a largement poussé la mise en place d’un règlement pédiatrique européen en 2007. « Il a pour but de faciliter le développement et l’accessibilité de médicaments à usage pédiatrique, mais aussi d’assurer qu’ils font l’objet de recherches cliniques de qualité », explique la Dr Sylvie Benchetrit, référente en pédiatrie à l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) et représentante pour la France au comité pédiatrique de l’Agence européenne du médicament (EMA).
Plusieurs avantages sont prévus. Pour les nouveaux produits ainsi que ceux autorisés et encore sous brevet, le laboratoire obtient six mois d’extension de ce dernier lorsque les études pédiatriques ont été finalisées. Pour les médicaments déjà tombés dans le domaine public, la firme va bénéficier d’un statut d’exclusivité pour l’indication pédiatrique qui aura été développée, avec dix ans de protection des données. Enfin, pour les « médicaments orphelins », deux ans d’exclusivité de marché sont ajoutés.
Des plans d’investigation dès l’AMM adulte
Concrètement, quand un laboratoire dépose, pour un médicament adulte, une demande d’AMM ou une modification de celle-ci, il doit aussi déposer un plan d’investigation pédiatrique (PIP). Il doit notamment y détailler le programme de développement (essais cliniques et formulation pédiatrique notamment) envisagé pour fournir des données visant à démontrer la qualité, la sécurité et l’efficacité du médicament dans les différentes catégories d’âge pédiatrique. Ce PIP doit être présenté au PDCO, le comité pédiatrique de l’Agence européenne du médicament (EMA). « Ce comité peut éventuellement octroyer des demandes de report (deferral) pour permettre aux laboratoires de décaler le développement des médicaments en pédiatrie le temps d’apporter la preuve de leur efficacité et sécurité d’utilisation chez l’adulte. Il peut également donner des dérogations complètes ou partielles (waivers), dans toutes ou certaines catégories d’âge pédiatrique, lorsque le développement n’est pas nécessaire en pédiatrie, comme pour certaines maladies qui ne touchent que des adultes », précise la Dr Benchetrit.
Encore trop de délais
Ce système a fait la preuve de son efficacité, comme le montre un bilan réalisé de 2007 à 2015. « Sur cette période, 859 PIP ont été réalisés : 100 (12 %) sont allés au bout de la procédure complète, et 700 sont en cours. Dans 80 % des cas, ces PIP ont fait l’objet d’un report complet ou partiel sans finalisation des essais cliniques. Après obtention de l’AMM chez l’adulte, on constate une tendance à reporter le développement en pédiatrie (50 % des PIP sont retardés de 2,2 ans), remarque la Dr Benchetrit. Il faut donc développer en amont de l’AMM chez l’adulte. » Pour 33 % des PIP, une dérogation d’au moins une partie du développement pédiatrique a été accordée. Et 18 % possèdent une désignation de médicament orphelin.
« Au total, 238 nouveaux médicaments et indications pédiatriques ont été développés entre 2007 et 2015, dont 113 sur des PIP complètement autorisés. Dans le même temps, 39 nouvelles formes pharmaceutiques ont été développées, dont 13 basées sur des PIP autorisés », résume la Dr Benchetrit, qui précise que la plus grande partie de ces développements a eu lieu dans les trois dernières années du bilan, de 2013 à 2015.
Autre constat : les essais cliniques pédiatriques sont en hausse, passant de 8 % en 2007 à 11,5 % en 2015. « Il reste encore des efforts à fournir pour favoriser davantage le développement des médicaments pour les nouveau-nés et pour les produits orphelins, et développer les centres d’investigation dédiés à la pédiatrie », indique la spécialiste.
« Après obtention de l’AMM chez l’adulte, on constate une tendance à reporter le développement en pédiatrie »
Entretien avec la Dr Sylvie Benchetrit, référente en pédiatrie à l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) et représentante pour la France au comité pédiatrique de l’Agence européenne du médicament (EMA)
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