Les chercheurs de l'université de Glasgow, en partenariat avec les médecins de l'Hôpital royal pédiatrique de Glasgow, ont apporté ce qui semble être une confirmation de l'implication des adénovirus dans l'apparition de cas d'hépatites d'étiologie inconnue chez des jeunes enfants. Selon des données pré-publiées sur le site MedRxiv, les atteintes hépatiques qui ont conduit certains jeunes malades à devoir être transplantés seraient liées à une coïnfection d'adénovirus ou de virus de l'herpès et de virus adéno-associé 2 (AAV2).
Les médecins écossais ont comparé les données PCR de 9 jeunes patients, dont 4 ont dû être greffés, à celles de 58 cas contrôles ayant le même âge (l'âge médian était de 3,9 ans). Le séquençage haut débit a mis en évidence de façon systématique la présence du génome de virus adéno-associé AAV2 dans le plasma des 9 patients, et dans le foie des 4 patients greffés. En revanche, il était absent du plasma prélevé chez les 13 contrôles sains, les 12 enfants infectés par un adénovirus mais sans atteinte hépatique et les 33 enfants ayant une hépatite d'étiologie connue (hépatite A ou E, virus d'Epstein-Barr, cytomégalovirus…).
Les auteurs précisent en outre que, s'il est présent chez près de 80 % de la population adulte, l'AAV2 n'est retrouvé, selon les études, que chez 25 à 38 % des enfants de 3 à 5 ans. Sa présence chez tous les patients atteints d'hépatites d'étiologie non connue est donc interpellant.
À la recherche du complice
Un AAV2 ne peut pas se répliquer seul, il a besoin de la présence d'un adénovirus ou du virus de l'herpès. Or, sur les 9 malades, 6 étaient infectés par un adénovirus et 3 par le virus de l'herpès. Pour les auteurs, les hépatites pédiatriques non A et non E sont associées à l'existence d'une infection par l'AAV2. Ce dernier est donc soit le pathogène à l'origine de ces hépatites pédiatriques, soit il s'agit au minimum d'un marqueur de la pathologie qui pourrait, à l'avenir, guider les cliniciens.
Les données britanniques reposent sur un nombre relativement restreint de malades, mais, les épidémiologistes écossais apportent un argument supplémentaire : un pic épidémique d'infections par adénovirus a eu lieu en Écosse peu de temps avant que les clusters d'hépatites inexpliquées ne soient repérés.
L'implication du Sars-CoV-2 non prouvée mais pas totalement écartée
À la même période, une vague d'infection par le Sars-CoV-2 a également été documentée en Écosse. L'implication du Covid-19 était donc également suspectée dans l'apparition des hépatites pédiatriques. Dans leur étude, les chercheurs anglais et écossais ont questionné systématiquement la présence d'infections actuelles ou passées par le Sars-CoV-2. Il en ressort que le génome de ce coronavirus a été détecté chez 2 des 9 malades (signe d'une infection en cours ou très récente) et des IgG dirigés contre le Sars-CoV-2 (signe d'une infection passée) ont eux été détectés chez 4 autres malades.
Ces observations portent le nombre de malades ayant été exposés au virus à 6 sur les 9 de l'étude. Ce taux n'est pas significativement différent de celui des patients du groupe contrôle. À la même période, les études de séroprévalence concluaient à un taux d'enfants écossais exposés au Sars-CoV-2 entre 59 et 67 %. « Nous ne pouvons pas exclure totalement un phénomène immunitaire post covid facilitant le risque d'hépatite », concluent prudemment les auteurs.
« Ce travail est tout à fait de qualité et finalement, il n’y a rien d’étonnant ; c’était l’hypothèse de départ qui est confirmée », commente pour « le Quotidien » le responsable de l’unité hépatologie et transplantation hépatique du CHU de Bordeaux, le Pr Victor de Lédinghen. Mais des questions restent en suspens : pourquoi autant de cas ont été récemment détectés alors que les pathogènes responsables ne sont pas inédits ? Lors d'une précédente interview, le Pr Emmanuel Jacquemin, chef du service d'hépatologie et de transplantation hépatique pédiatriques de l'hôpital Bicêtre (AP-HP), avait souligné que le manque de connaissance en matière d'épidémiologie des hépatites aiguës de l'enfant ne permet pas de conclure qu'il s'agit d'un phénomène nouveau.
Les auteurs de l'étude avancent quant à eux que les interventions non pharmaceutiques, et notamment les confinements et la distanciation sociale, qui ont permis de casser la circulation de virus respiratoires comme le Sars-CoV-2, ont créé un « pool de susceptibilité chez les jeunes enfants, ce qui a conduit à un taux plus élevé d'infection aux adénovirus et à l'AAV2, dès que les mesures de protection contre le Covid-19 ont été relâchées ».
Près de 500 cas dans le monde
Les premières hépatites d'origine inconnues ont été repérées pour la première fois en avril 2022 en Écosse où un premier cluster de 5 jeunes enfants a été signalé dans plusieurs hôpitaux. À la date du 4 juillet, 36 enfants de moins de 10 ans répondaient à la définition de cas.
À la date du 30 juin, 473 cas d'hépatites aiguës d'origine inconnue ont été notifiés par 21 pays, dont 7 en France, et 268 au Royaume-Uni, selon les données du bulletin de surveillance commun à l'ECDC et au bureau européen de l'OMS.
Contacté par « Le Quotidien du Médecin », le Pr Jean Michel Pawlotsky, responsable du Centre national de référence des hépatites B, C et Delta au centre hospitalier Henri-Mondor (AP-HP), nous a livré le commentaire suivant :
« Cette étude a l'air d'avoir été correctement faite, mais les résultats reposent sur seulement 9 patients, alors que le Royaume-Uni compte plusieurs centaines de cas d'hépatites de causes inconnues. Cela illustre les difficultés de la collecte de données de bonne qualité sur ces cas, même plusieurs mois après que l'alerte ait été donnée.
Ces résultats sont encore trop préliminaires pour conclure au rôle prédominant des virus adéno associés, pour écarter celui du Sars-CoV-2 ou même d'autres explications comme la cause toxique, par exemple. Les auteurs évoquent d'ailleurs une possible prédisposition génétique dans leur papier. En France, nous n'avons pas retrouvé de virus adéno associé dans les prélèvements qui nous ont été adressés. Cela ne veut pas dire que les résultats prépubliés par les Britanniques sont faux mais, en revanche, cela démontre qu'ils ne s'appliquent pour l’instant que chez leurs malades. Il faut pouvoir répondre à 2 questions : "Est-ce que ce syndrome est réel ou est ce qu'il s'agit d'un effet loupe sur un phénomène habituel ? Et si ce syndrome est réel, est-ce qu'il est le même partout ?"
En France, il nous a fallu racler les fonds de tiroir pour rassembler 9 cas validés comme suspects, plus un dernier en cours d'investigation. Il est possible qu'il y a une sorte d'effet local en Angleterre, en Écosse et aux États-Unis où il y a également un grand nombre de cas. »
Article mis à jour le 29/07/2022
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