L’ORGANISATION MONDIALE de la santé (OMS), en termes d’alimentation du nourrisson, préconise depuis 2002 un allaitement maternel exclusif jusqu’à 6 mois, puis un allaitement partiel jusqu’à 2 ans, voire au-delà en fonction des souhaits de la mère et de l’enfant. Or, les courbes de croissance utilisées jusqu’à présent, que ce soit la courbe de référence internationale NCHS/OMS ou les courbes nationales mises en place dans la plupart des pays occidentaux, ont été élaborées à partir de l’observation de nourrissons nourris en majorité avec des laits artificiels. Dans les années 1990, l’OMS a réalisé plusieurs études qui ont montré que la croissance des enfants allaités différait notablement des principales courbes de référence, soulignant la nécessité d’un standard de croissance scientifiquement fiable et reflétant la croissance « optimale » des nourrissons, c’est-à-dire telle qu’elle devrait être chez des enfants en bonne santé, nourris au sein, et élevés dans de bonnes conditions d’hygiène.
C’est dans le but de répondre à cette problématique que l’OMS a mis en place en 1997 une étude de grande envergure dont les premiers résultats ont été publiés en 2006 : l’étude MRGS (multicentre growth reference study). Les enfants inclus dans l’étude étaient originaires de 6 pays géographiquement et culturellement éloignés : Brésil, États-Unis, Ghana, Inde, Norvège et Oman.
La première partie de l’étude a consisté en un suivi longitudinal de 882 enfants de la naissance jusqu’à l’âge de 2 ans, avec des critères d’inclusion précis : conditions socio-économiques favorables, allaitement exclusif pendant au moins 4 mois et partiel jusqu’au moins l’âge de 12 mois, mère non fumeuse et absence de pathologie notable. La deuxième partie de l’étude était une analyse transversale de la croissance chez des enfants âgés de 18 à 71 mois ayant été allaités au moins 3 mois et répondant par ailleurs aux mêmes critères que pour l’étude longitudinale. La combinaison des résultats de ces deux analyses a permis l’établissement de standards de croissance de 0 à 5 ans.
Une croissance comparable quel que soit le pays.
La valeur universelle des standards obtenus est démontrée par un résultat inattendu initialement : au cours des deux premières années de vie, la croissance en poids et en taille des nourrissons est identique dans les 6 pays couverts par l’étude, et ce malgré la diversité importante des populations étudiées. Cette similarité traduit une forte influence du mode d’alimentation et des conditions environnementales sur la croissance, influence qui semble prédominante sur celle liées à des facteurs génétiques. On dispose donc désormais de normes utilisables par tous les pays, notamment par de nombreux pays en voie de développement qui ne possédaient pas de référence nationale et sont pourtant confrontés à de graves problèmes de troubles de la croissance liés à la malnutrition. Actuellement, un peu plus d’une centaine de pays ont adopté ces standards OMS.
En France, les courbes de croissance figurant dans la dernière version du carnet de santé datant de 2005, sont encore les anciennes courbes de référence, établies grâce aux travaux du Pr Michel Sempé chez près de 600 enfants nés dans les années cinquante et majoritairement nourris au biberon. Une réflexion est engagée dans la plupart des pays occidentaux pour savoir comment adapter les nouveaux standards et notamment comment effectuer la transition entre les données OMS, qui ne sont disponibles que jusqu’à 5 ans, et les données nationales de 5 à 18 ans. Si l’Association internationale de Pédiatrie a officiellement recommandé l’utilisation des standards OMS, pour le moment, le seul pays industrialisé les ayant officiellement adoptés de la naissance à 4 ans est le Royaume-Uni. Cependant, les praticiens peuvent d’ores et déjà se référer à ces courbes, disponibles sur le site internet de l’OMS (1), lorsqu’ils sont en présence d’un nourrisson allaité exclusivement.
Divergence entre les standards OMS et les références françaises.
En effet, la comparaison entre les courbes françaises et les courbes OMS a fait apparaître des différences importantes, similaires à celles observées entre les courbes d’enfants allaités et non allaités. De 1 à 6 mois, toutes les valeurs françaises (poids, taille et indice de corpulence) sont inférieures à celle de l’OMS. Après 6 mois, les valeurs françaises de poids et d’indice de corpulence rejoignent les valeurs OMS puis les dépassent, alors que les valeurs de taille restent inférieures jusqu’à 5 ans. L’utilisation des courbes OMS chez un enfant allaité permet donc de ne pas conclure à tort à un surpoids lors des premiers mois de vie. À l’inverse, si l’on se réfère aux normes OMS, les courbes françaises actuelles sous-estiment le risque d’obésité jusqu’à 5 ans.
Il convient cependant à tout praticien utilisant les normes OMS, de garder à l’esprit que ces valeurs décrivent une croissance idéale dans des conditions optimales. Il lui revient d’apprécier si les conditions d’hygiène et d’alimentation de l’enfant ne correspondent pas aux recommandations.
D’après un entretien avec le Pr Dominique Turck, pédiatre au CHRU de Lille, coordonnateur du Comité de nutrition de la Société française de pédiatrie.
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