Par le Pr Régis Coutan *
LE SURPOIDS et l’obésité touchent de 15 à 20 % des adolescents en France (1). Les méta-analyses des études de la prise en charge hygiénodiététique de l’obésité de l’adolescent convergent pour souligner l’efficacité très limitée de ce type d’intervention : chez les sujets de plus de 12 ans, les études randomisées ont montré une baisse de l’IMC de 0,14 DS (IC95 % - 0,10 à - 0,18 DS) après un an (2). Enfin, parmi les obésités les plus sévères, 88 % des enfants dont l’IMC est› + 4 DS atteignent un IMC› 35 kg/m2 à l’âge adulte (3), indiquant l’échec quasi constant des prises en charge hygiénodiététiques.
Conséquences dans l’enfance et à l’âge adulte.
Plusieurs études épidémiologiques ont montré que l’obésité persistante était associée à une fréquence accrue de complications cardio-vasculaires et métaboliques à l’âge adulte, d’autant plus que l’IMC était élevé. Pour un point d’augmentation de l’IMCZ score à l’âge de 13 ans, le risque d’événement cardio-vasculaire à l’âge adulte augmente de 17 % (4) : les obésités sévères, amenant à un IMC › 35 kg/m2 à 16 ans, ont un risque relatif d’événement cardio-vasculaire › 1,9 à l’âge adulte. Pour un point d’augmentation de l’IMCZ score dans l’enfance, le risque de diabète de type 2 entre 45 et 50 ans augmente de 22 % (5). Enfin, pour un point d’augmentation de l’IMCZ score dans l’enfance, le risque de décès avant 55 ans augmente de 40 % (6).
De nombreuses études chez les adolescents obèses ont montré, dès cet âge, une prévalence significative du syndrome métabolique, touchant près de 11 % des adolescents obèses en France (7, 8), d’anomalies échographiques de la paroi vasculaire (9), d’indicateurs de stéatose hépatique non alcoolique (10 à 30 %) (10), et d’apnées du sommeil (8 à 20 %) (11). Enfin, l’obésité de l’adolescent est également associée à une altération de la qualité de vie corrélée à l’IMCZ score (12, 13 14, 15).
Résultats de la chirurgie bariatrique.
La chirurgie bariatrique est utilisée chez l’adulte dans les obésités sévères (IMC › 35 kg/m2) et morbides (IMC › 40 kg/m2). Elle a fait ses preuves, montrant qu’elle diminuait l’IMC, les complications cardio-vasculaires et métaboliques et la mortalité (16), qu’il s’agisse de l’anneau gastrique ajustable ou du by-pass gastrique.
Plusieurs études, nord-américaines ou d’autres pays, ont montré que la perte d’excès de poids à l’aide de la chirurgie bariatrique chez l’adolescent était semblable à celle publiée chez l’adulte. Dans une méta-analyse récente, la chirurgie bariatrique chez des adolescents obèses, âgés de 16 ans en moyenne (9 à 20 ans) et d’IMC moyen initial 45 kg/m2 entraînait une réduction de l’IMC un à deux ans après la pose d’un anneau gastrique ajustable de 12 kg/m2, et de 20 kg/m2 après by-pass (17). Cependant, les études pédiatriques sont pour la plupart des études rétrospectives non randomisées, ne pouvant aboutir qu’à un grade de recommandation de classe C (18). Une seule étude randomisée, récente, portant sur 50 adolescents âgés de 14 à 18 ans (IMC › 35) a montré une perte de poids moyenne après 2 ans de 34,6 kg dans le groupe anneau contre 3,0 kg dans le groupe de prise en charge traditionnelle (19). Aucun décès n’a été observé dans les séries pédiatriques d’anneau gastrique. Près de 8 % des patients ont été réopérés pour corriger diverses complications, telles qu’un glissement de l’anneau (3,4 %), une dilatation gastrique (2,3 %), une migration intragastrique, une intolérance psychologique à l’anneau, une fuite du réservoir. Une carence martiale a été observée rarement, et aucune pathologie carentielle sévère ou anomalie de la croissance ou de la puberté (17). Dans l’étude randomisée chez des adolescents de 14 à 18 ans (19), le taux de réintervention sur anneau a été de 33 %, essentiellement pour dilatation de la poche en amont de l’anneau.
La question de la chirurgie bariatrique de choix chez l’adolescent est sujette à débat. Si le by-pass semble avoir, comme chez l’adulte, des résultats pondéraux plus marqué, l’anneau gastrique est une procédure réversible, élément important lorsque l’on s’adresse à des patients mineurs, susceptibles, peut-être plus que des adultes, de revenir sur les choix qu’ils ont faits à l’adolescence. L’anneau gastrique n’entraîne pas de malabsorption intestinale : les carences nutritionnelles décrites chez des sujets ayant bénéficié d’un anneau gastrique sont minimes et le risque d’interférence de la procédure avec la croissance staturale, la maturation physique et pubertaire et la minéralisation osseuse est très faible.
Une étude multicentrique va bientôt débuter.
La chirurgie bariatrique est très peu développée en France, restreinte à quelques équipes pédiatriques qui l’ont mise en œuvre de manière récente. Elle est intégrée à une prise en charge pluridisciplinaire spécialisée, et doit respecter un cahier des charges dont le contenu a été défini par la HAS.
Au plan médical et scientifique, de nombreuses questions restent ouvertes : l’impact de cette chirurgie sur les marqueurs de risque cardio-vasculaire et métabolique a été peu analysé, ses indications chez l’adolescent sont encore peu précises, et l’évaluation de son impact médical et psychologique reste peu étudiée.
Pour répondre de manière scientifique à ces questions, une étude multicentrique randomisée (anneau versus prise en charge nutritionnelle et physique habituelle), chez l’adolescent en obésité sévère (l’IMCZ score › 4) à partir de 12 ans, avec une période de suivi de 10 ans, a été financée par le programme hospitalier de recherche clinique en 2011, et pourra sans douter débuter courant 2012. Les équipes de pédiatrie (endocrinologie pédiatrique et nutrition pédiatrique) et de chirurgie pédiatrique du CHU d’Angers, du CHU Necker-Enfants malades et du CHU Bicêtre, du CHU de Lille, du CHU de Toulouse, et du CHU de Caen-CH de Bayeux sont les initiatrices de ce protocole.
* Service d’endocrinologie pédiatrique, CHU, Angers.
Pour toute question relative au protocole tel 0241355655 ; ou email endocped@chu-angers.fr
1) Lioret S. et al. Obesity 2009.
2) Cochrane database of systematic reviews 2009.
3) Freedman DS. J Pediatr 2007.
4) Baker JL et al, New Engl J Med 2007.
5) Lawlor DA et al. Diabetologia 2006.
6) Franks PW et al. New Engl J Med 2010.
7) Mimoun E et al. J Pediatr 2008
8) Druet C et al. Clin Endocrinol 2006.
9) Tounian P et al. Lancet 2001.
10) Loomba R et al. Hepatology 2009
11) Verhulst SL et al, Arch Dis Child 2007.
12) Wille N et al., BMC Public Health 2008.
13) Swallen KC et al. Pediatrics 2005.
14) Fallon EM et al. J Pediatr 2005.
15) Zeller MH, et al. Pediatrics 2006.
16) Sjostrom L et al. N Engl J Med 2007.
17) Treadwell JR et al. Ann Surg 2008.
18) Pratt JS et al. Obesity 2009.
19) O’Brien PE, JAMA 2010.
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