« Le dépistage néonatal vit cette année une révolution, avec une réorganisation au niveau national. Cela nous permettra peut-être de changer d’échelle pour dépister à l’avenir de nouvelles maladies à la naissance. Mais, autant ne pas le cacher, cette réorganisation suscite aussi des inquiétudes, notamment sur les moyens qui seront alloués à nos missions », explique le Pr Michel Polak, qui a deux casquettes : chef du service d’endocrinologie, gynécologie et diabétologie pédiatriques à l’hôpital Necker - Enfants malades, il préside aussi depuis quatre ans, à titre bénévole, la Fédération parisienne de dépistage et de prévention des handicaps de l’enfant (FPDPHE), qui gère également le dépistage en Martinique, en Guadeloupe et à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Pendant cinquante ans, le dépistage néonatal a été assuré en France sous l’égide de l’Association française pour le dépistage et la prévention des handicaps de l’enfant (AFDPHE). Réalisé à la naissance, il porte sur cinq maladies : la phénylcétonurie, l’hyperthyroïdie congénitale, l’hyperplasie congénitale des surrénales, la drépanocytose et la mucoviscidose. « Ce sont des pathologies qui ont un signal, et pour lesquelles, surtout, on peut mettre en place rapidement un traitement ou une prise en charge adaptés. En aucun cas on ne dépiste une maladie contre laquelle on ne peut rien faire », rappelle le Pr Polak.
Chaque année, l’AFDPHE recevait un financement de l’Assurance-maladie pour assurer le dépistage, à hauteur d’environ 10 euros par enfant né (hors drépanocytose). « Sachant qu’on recense chaque année entre 780 000 et 800 000 naissances en France, ce financement était d’environ 8 millions d’euros par an », précise le spécialiste, en stipulant que l’Association le redistribuait à ses fédérations régionales.
Douze centres régionaux
Mais cette organisation a été bouleversée cette année par le ministère, qui a décidé de mettre en place, dans chaque région, un centre régional de dépistage néonatal (CRDN), localisé dans un CHU. « Sur les 13 nouvelles régions que compte désormais la métropole, il y aura 12 CRDN. En Corse, le dépistage sera géré par le CRDN de la région Paca. En Île-de-France, l’activité de notre fédération est désormais placée sous la responsabilité de l’APHP. Il s’agit là d’une évolution importante, qui soulève de nombreuses questions, en particulier quant à l’organisation du travail. Notre fédération employait 11 personnes dans un contexte associatif régi par le droit privé. Désormais, notre activité va être encadrée par l’APHP, où s’appliquent par exemple les 35 heures. Il faudra donc voir si nous serons capables de poursuivre nos missions de la même manière, s’interroge le Pr Polak, sans cacher le fait qu’au niveau régional cette réorganisation s’est faite parfois dans une certaine tension. D’autant qu’aujourd’hui les crédits sont délivrés aux CHU par les ARS dans un contexte global de restriction budgétaire… »
Mais ce redécoupage pourrait aussi permettre de donner une nouvelle impulsion au dépistage néonatal. « C’est un des enjeux des années à venir. Dépendre des CHU pourrait nous permettre d’utiliser des techniques plus modernes, comme la spectrométrie de masse, afin de dépister de nouvelles maladies, en particulier métaboliques, espère le Pr Polak, en ajoutant qu’un autre défi sera d’améliorer le dépistage de la drépanocytose. Aujourd’hui, ce dépistage est fait dans un contexte de ciblage géographique. En Île-de-France, on dépiste cette pathologie chez 75 % des enfants, mais on rate quand même des cas. »
« En aucun cas on ne dépiste une maladie contre laquelle on ne peut rien faire »
Entretien avec le Pr Michel Polak, chef du service d’endocrinologie, gynécologie et diabétologie pédiatriques à l’hôpital Necker - Enfants malades, et professeur à l’université Paris Descartes
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