« Des études menées en Angleterre sur 5 000 paires d’enfants jumeaux ont montré que l’héritabilité de l’obésité et de l’adiposité est de 70 %. De même, l’appétit se transmet de façon génétique, avec une héritabilité de 60 à 80 % », a souligné le Pr Philippe Froguel, endocrinologue, professeur au CHU de Lille et à l’Imperial College de Londres, lors d’un débat organisé par la Fondation de l’Académie de Médecine. L’héritabilité de l’obésité est confirmée également chez l’adulte, mais l’activité physique permet de la moduler. « D’après une étude menée auprès d’adultes finlandais, pour les paires de jumeaux n’ayant aucune activité physique, l’héritabilité de l’adiposité est de près de 100 %. Mais elle descend à moins de 20 % pour ceux pratiquant d’une activité physique régulière », note le Pr Froguel. Chez l’adulte, l’activité physique est ainsi capable d’annuler, en partie, le rôle de l’hérédité dans le développement de l’obésité.
Des formes monogéniques rares…
Maladie chronique, l’obésité est très hétérogène d’un point de vue génétique : elle comporte des formes mono- et polygéniques. De 3 à 5 % des patients (surtout des enfants) sont atteints d’une forme monogénique d’obésité, souvent caractérisée par une hyperphagie et un déficit de satiété. « Ces troubles ont une origine cérébrale, au niveau hypothalamo-hypophysaire. La leptine produite par le tissu adipeux se fixe sur son récepteur, entraînant une cascade d’événements passant par plusieurs gènes, codant pour la proopiomélanocortine (POMC), l’alpha-mélanocortine et le récepteur-4 mélanocortine (MC4R). Quand ils sont mutés, tous ces gènes engendrent une obésité avec un trouble de l’appétit », indique le Pr Froguel.
Des traitements permettant de lutter contre les obésités monogéniques sont désormais disponibles Les déficits en leptine peuvent être traitées via une leptine recombinante. « Des travaux sont également en cours sur des anticorps activant les récepteurs à la leptine. Par ailleurs, pour les obésités dues à un déficit en MC4R, des activateurs des biorécepteurs MC4R viennent d’être agréés aux États-Unis et devraient l’être, cette année, en Europe », précise l’endocrinologue.
… nécessitant un dépistage précoce
« En pratique, il est donc important de détecter les formes monogéniques d’obésité chez tous les enfants en surpoids et hyperphagiques, avant 3 ans. Mais aussi, chez les enfants très obèses, issus de familles consanguines », souligne le Pr Froguel. Ces anomalies situées sur le chromosome 16 sont très particulières : « les personnes qui présentent un déficit en matériel génétique à cette localisation sont toutes très obèses, alors que celles qui ont une duplication de ce chromosome sont très maigres. Cela montre l’intérêt de rechercher, outre les mutations des gènes connus (POMC, MC4R), les aberrations chromosomiques des patients. Des méthodes simples et peu onéreuses (de 100 à 400 euros par test) permettent aujourd’hui de séquencer et de reconnaître ces anomalies du génome », ajoute le Pr Froguel.
Des scores polygéniques pour prédire le risque d’obésité
Concernant les formes communes d’obésité, les études pangéniques ont mis en avant près de 1 000 polymorphismes, sur près de 500 loci différents, associés au risque d’obésité. « Nous pouvons désormais développer des scores polygéniques, pour prédire le poids et donc, le risque d’obésité d’une personne, dès l’enfance. La composante polygénique module l’effet d’une mutation d’un gène comme MC4R. Cela explique la variation de poids que l’on rencontre chez les patients ayant la même mutation du même gène. Tester ces mutations très tôt, dans la vie, permettrait de mettre en place des stratégies pour éviter que les enfants qui en sont porteurs deviennent obèses », confie le Pr Froguel. Dans les obésités polygéniques, les agonistes du récepteur au GLP-1 (utilisés dans le diabète) pourraient être efficaces.
Un comportement addictif
Contrairement aux obésités monogéniques, les obésités polygéniques ne prennent pas racine dans l’hypothalamus mais dans d’autres parties du cerveau dont l’insula negra. Cette région du cerveau est bien connue pour moduler certains comportements tels que l’addiction et le mécanisme de récompense. « On peut donc penser que, dans les obésités communes, es gènes interviennent pour favoriser un comportement addictif vis-à-vis de la nourriture, dans le cadre d’un environnement qui peut être stressant. Cette tendance génétique à l’addiction peut expliquer pourquoi les régimes sont inefficaces chez les obèses polygéniques. Car ils augmentent les phénomènes addictifs », conclut le Pr Froguel.
Exergue : Chez l’adulte, l’activité physique est susceptible d’annuler, en partie, le rôle de l’hérédité dans le développement de l’obésité
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