La dépression touche environ 3 % des enfants de 6 à 12 ans et 8 % des 12-18 ans en France. C’est un trouble fréquent, sévère, avec des conséquences graves dans les populations jeunes. Ainsi, le suicide, dont la dépression est un facteur de risque connu, représente la deuxième cause de mortalité des jeunes de 15 à 24 ans.
Différencier dépressivité et dépression
La dépression de l’enfant et de l’adolescent peut parfois se présenter sous des formes inattendues, détournant l’interlocuteur de la problématique thymique face à certains troubles comportementaux (agressivité, fugue, conduites ordaliques ou à risque, mais également somatisations). Ces formes atypiques induisent très probablement un sous-diagnostic de la dépression et complexifient la prise en charge. Reconnaître dans le discours ou le comportement d’un enfant ou d’un adolescent des signes de souffrance psychique est indispensable afin de se décaler des symptômes d’appel, et mettre en place la prise en charge adaptée à la situation. Rappelons que certains moments dépressifs de l’enfant et de l’adolescent ne sont pas pathologiques. Ces plaintes dépressives, nécessaires au développement psycho-affectif de l’enfant et de l’adolescent sont à respecter, sans les médicaliser ni les traiter par une prescription médicamenteuse, et il convient de différencier cette dépressivité de l’authentique dépression.
Psychothérapie en première intention
Pour les enfants et adolescents souffrant d’épisode dépressif majeur, les guidelines recommandent la psychothérapie en première intention. Ainsi, les traitements antidépresseurs ne doivent jamais être prescrits dès la première consultation ; ils ne doivent pas être prescrits isolément et sont indiqués dans un nombre réduit de cas. Enfin, ils ne sont pas un traitement de l’urgence. Un traitement médicamenteux par fluoxetine est donc recommandé en deuxième intention seulement pour les patients adolescents avec une dépression avérée d’intensité modérée ou sévère, n’ayant pas accès aux psychothérapies, ou non répondeurs aux interventions non médicamenteuses sur 4 à 8 semaines. Une méta-analyse parue récemment dans The Lancet, relève que les antidépresseurs habituellement prescrits aux enfants et adolescents souffrant de dépression avérée ne montrent pas d’efficacité supérieure au placebo. Plus précisément, seule la fluoxetine (Prozac) semble réduire les symptômes dépressifs de manière plus efficace que le placebo chez les enfants et les adolescents souffrant d’un trouble dépressif sévère, même si l’importance de la diminution des symptômes dépressifs reste incertaine.
Une surveillance étroite
Dès lors, si un traitement par antidépresseurs est envisagé pour un enfant ou un adolescent, celui-ci doit être orienté vers un pédopsychiatre. Une prescription d’antidépresseurs chez un enfant ou un adolescent semble devoir être évitée en médecine générale ou en consultation pédiatrique. Une étroite surveillance est en effet nécessaire, afin d’évaluer l’éventuelle apparition d’effets secondaires, de définir les posologies minimales efficaces et d’envisager les diminutions et arrêt de traitement.
Rappelons aussi que la mise en place d’antidépresseurs induit une levée d’inhibition comportementale, période pouvant survenir jusqu’à 15 jours après le début du traitement. Cette période correspond au moment où l’efficacité du traitement sur le ralentissement psychomoteur apparaît alors que l’action sur l’humeur reste incomplète et que les idées suicidaires peuvent persister. C’est une période critique chez certains patients pendant laquelle un risque de passage à l’acte peut être majoré. Cette levée d’inhibition doit donc être connue des prescripteurs, et prévenue par une surveillance accrue, voire un temps hospitalier avec prescription de molécules sédatives et anxiolytiques, associées en début de traitement.
Enfin et surtout, la mise en place d’un traitement antidépresseur ne doit pas se substituer à la psychothérapie. Les antidépresseurs potentialisent la psychothérapie laquelle potentialise les antidépresseurs. En effet, l’amélioration de la thymie permet une reprise des capacités d’élaboration parfois mise en veille par la dépression, et la prise de parole peut induire des remaniements des processus d’adaptation et de pensées permettant au patient de trouver une issue à des conflits là où la dépression entretenait un vécu d’incapacité et de désespoir.
CHU Angers
Cipriani A. The Lancet 2016;388;(10047):881-90
Haute Autorité de santé. Recommandations de bonne pratique, novembre 2014.
Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire, janvier 2015.
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