Bien qu’étant la plus fréquente des maladies génétiques dépistées à la naissance (de 400 à 450 enfants atteints naissent chaque année en France), et qu’environ 20 000 patients vivent sur le territoire français, la drépanocytose est totalement inconnue du grand public, et très peu des médecins. Plus étonnant encore, les populations à risque (originaires essentiellement d’Afrique subsaharienne, des Antilles, d’Afrique du Nord) ne la connaissent que rarement. Parfois, les familles africaines parlent de « personnes SS » – c’est en effet le nom de l’hémoglobine pathologique présente à l’état homozygote chez les personnes malades – ou de « maladie qui tue les enfants avant l’âge 5 ans » – ce qui peut, en effet, arriver faute de soins appropriés. Dans les pays développés, les progrès thérapeutiques permettent une espérance de vie autour de 50 à 60 ans.
Une sévérité extrêmement variable
La drépanocytose entraîne la transformation des globules rouges en faucille, la falciformation. Ainsi déformés, ces globules nouent des interactions fortes avec les globules blancs et les plaquettes, et obstruent les vaisseaux. La propension à se déformer et à boucher les vaisseaux varie énormément selon les personnes.
À une telle diversité de gravité doit répondre un éventail thérapeutique large, pour traiter suffisamment les personnes à risque de complications graves : infections fulminantes, crises douloureuses, détresse respiratoire appelée aussi syndrome thoracique aigu, accident vasculaire cérébral (AVC), insuffisance rénale… À l’opposé, les traitements ne doivent pas entraîner de risques non justifiés par la potentialité évolutive de la maladie elle-même.
Les premiers progrès majeurs ont été apportés par la possibilité de prévenir les infections mortelles par pénicilline quotidienne et par les vaccins. Les AVC sont aujourd’hui majoritairement évitables, grâce à un dépistage par doppler transcrânien et à des transfusions sanguines répétées. Une molécule bien tolérée, l’hydroxyurée (Siklos) réduit très significativement la répétition des crises douloureuses et des syndromes thoraciques aigus. Mais aucun de ces traitements ne guérit la maladie.
Greffes : question de donneurs
Depuis 1984, date de la première greffe de moelle chez un patient drépanocytaire, plus de 1 000 greffes ont été effectuées, d’abord sur des enfants, puis progressivement sur des adultes jeunes. La très grande majorité des malades guérissent, mais la greffe présente des risques. La mortalité est de 5 % quand l’origine des cellules transplantées est un frère ou une sœur HLA-identique.
De 10 à 15 % des patients présentent une maladie du greffon contre l’hôte, qui peut être très handicapante dans sa forme chronique. Par ailleurs, les techniques de conditionnement actuelles sont myélo-ablatives, c’est-à-dire que la possibilité pour les patients greffés de concevoir un enfant est très diminuée.
Addition ou édition de gène
Pour la très grande majorité des patients qui n’ont pas de donneur HLA-identique intrafamilial, la thérapie génique offre de grands espoirs. Ce sont les propres cellules souches du patient qui sont modifiées, soit par l’addition d’un gène apportant une hémoglobine antifalciformation – ce qui a déjà été fait à Necker avec une amélioration clinique majeure chez un patient – soit par une technique plus ciblée de correction d’un gène défectueux (gene editing), assez prometteuse puisqu’elle évite l’addition d’un gène étranger.
Le gene editing devrait commencer dans les mois qui viennent. Dans tous les cas, une chimiothérapie myélo-ablative reste nécessaire. Ces notions doivent être connues des parents et des patients, pour que leur réflexion chemine en connaissance de cause.
Responsable du site Necker pour les syndromes drépanocytaires majeurs et autres pathologies rares du globule rouge et de l’érythropoïèse, présidente du Réseau francilien de soin des enfants drépanocytaires (RoFSED), hôpital universitaire Necker - Enfants malades (APHP) Ware RE et al. Sickle cell disease. Lancet. 2017 Jul 15;390(10091):311-323 Ribeil JA et al. Gene therapy in a patient with sickle cell disease. N Engl J Med. 2017 Mar 2;376(9):848-855
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