Pr Guy Young, au congrès de l'ASH : « Les AOD nous manquent dans la thrombose veineuse de l'enfant »

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Publié le 09/12/2019

Crédit photo : DR

Il existe peu d'options pour traiter la thrombose veineuse de l'enfant. Au congrès de l'American Society of Hematology (ASH) qui se tient cette année à Orlando du 7 au 10 décembre, le Pr Guy Young, de l'hôpital pour enfant de Los Angeles, a présenté des travaux sur les anticoagulants oraux directs (AOD) chez l'enfant.

Au terme d'un travail de 10 ans, son équipe est parvenue à montrer qu'il est possible chez l'enfant d'adapter les doses d'AOD normalement destinés à l'adulte afin de réduire le risque de rechute. Ces résultats devraient faciliter l'arrivée sur le marché de formulations liquides plus adaptées à la pratique pédiatrique.

LE QUOTIDIEN : La thrombose veineuse de l'enfant a-t-elle une étiologie et une présentation clinique distinctes de celle de l'adulte ?

Pr GUY YOUNG : La majorité des thromboses de l'enfant est causée par la pose d'un cathéter veineux central. Dans la majorité des cas, il s'agit donc d'enfants hospitalisés atteints de pathologies aiguës ou chroniques. Parmi les 20 % de thromboses chez des enfants en bonne santé, beaucoup sont dues à des traumatismes répétés chez les pratiquants de sports comme le volley-ball. La dernière catégorie est celle des jeunes filles prenant un contraceptif oral.

Bien que sa prévalence augmente, la thrombose veineuse de l'enfant reste rare, d'environ 1/100 000. Si on regarde uniquement les enfants hospitalisés, la prévalence est de l'ordre de 1 %.

Cette surreprésentation des enfants atteints de maladies chroniques fait-elle peser un risque plus important de comorbidités ?

Dans cette population, les études épidémiologiques montrent en effet que la thrombose veineuse augmente les durées d'hospitalisation, mais aussi le risque de séjour en services de soins intensifs ou de décès. C'est un marqueur de mauvais pronostic.

Quelles sont les options thérapeutiques disponibles ?

On dispose essentiellement des formes injectables, ce qui en soit est un problème. À l'hôpital, nous utilisons l'héparine, l'énoxaparine ou la daltéparine. La warfarine est difficile à utiliser, car elle n'est disponible qu'en cachets, et elle augmente le risque hémorragique et d'interaction médicamenteuse chez les enfants pris en charge pour d'autres pathologies.

Ce qui nous manque, c'est de pouvoir prescrire les AOD. Jusqu'à présent il n'y a pas eu d'étude sur leur utilisation en pédiatrie. C'est la raison pour laquelle nous avons mené l'étude EINSTEIN Junior avec le rivaroxaban (étude financée par Bayer N.D.L.R).

Quels sont les principaux résultats à retenir ?

Premièrement, l'adaptation à la dose ne se fait pas en fonction de l'âge mais du poids. Ensuite, il faut insister sur le fait qu'il ne s'agit pas d'adultes en miniature : la pharmacocinétique des médicaments change avec l'âge. La dose doit être prise en 3 fois pour les enfants de moins de 12 kg, en 2 fois pour les enfants entre 12 et 30 kg et en une fois au-delà de 30 kg. À partir de 50 kg, des doses adultes de 20 mg en une seule prise peuvent être prescrites.

Avec ces doses et ce fractionnement, nous avons observé une disparition du thrombus dans 39,2 % des cas, une diminution du thrombus dans 39,6 % des cas, une absence d'amélioration dans 5,1 % des cas et une dégradation de la situation dans 0,3 % des cas. Les 15,2 % restants sont des enfants chez lesquels l'imagerie n'a pas permis d'évaluer la situation. 

Qu'en est-il de la formulation liquide des AOD ?

Dans notre étude, nous avons utilisé une formulation liquide qui n'est pas encore disponible*. Nous espérons que ces données vont accélérer le dossier d'autorisation de mise sur le marché. Il existe d'autres programmes de développement clinique pour des formulations pédiatriques de l'apixaban, l'édoxaban, le dabigatran et même le bétrixaban.

* En Europe, la formulation liquide du rivaroxaban fait l'objet d'un plan d'investigation pédiatrique autorisé par l'Agence européenne du médicament. 

Propos recueillis par Damien Coulomb, à Orlando

Source : lequotidiendumedecin.fr