Si les 28-40 ans (génération Y) ont grandi avec le numérique, la génération Z (ou « Gen Z ») est la première « digital native » : ces jeunes ont toujours connu internet, les téléphones portables, etc. « Il s’agit des enfants nés pendant la quatrième révolution numérique », explique Élodie Gentina, enseignante-chercheuse à l’IESEG school of management de Lille, qui en a fait son sujet d’étude en multipliant les entretiens et les questionnaires sur le terrain (1). Ils ont également connu le terrorisme et la crise du Covid. Pendant le confinement, ils étaient coupés de leurs pairs, avec des cours à distance, ce qui a engendré un fort sentiment de frustration : « ces jeunes ne se sont pas sentis écoutés par nos politiques », souligne la chercheuse.
La crise a aussi accéléré leurs questionnements autour de l’envie de préserver la planète, le bien-être, la santé mentale, l’écologie : la Gen Z est en quête de sens.
Enfin, cette génération a reçu une éducation laissant davantage de place aux choix de l’enfant : de quoi expliquer certaines ruptures par rapport aux comportements des anciens et générer certaines incompréhensions jusque dans leurs rapports aux soins, pour qui ne s’adapte pas à leur nouvelle façon d’être.
Sur le plan sociétal
Ces jeunes sont souvent accusés de remettre en cause l’autorité, de ne pas décrocher de leur téléphone portable (même la nuit), d’être zappeurs et incapables de se poser. Ce tableau est caricatural, mais dans les faits, ils présentent certaines grandes caractéristiques : le digital et l’usage des réseaux sociaux (Snapchat, Instagram, Tik Tok) font partie intégrante de leur vie, même s’ils ont un énorme besoin de relations humaines authentiques. En entreprise, leurs collaborateurs sont bien souvent leurs amis.
Ils peuvent donner l’impression d’être zappeurs, peut-être parce qu’ils recherchent une autre forme de fidélité : le couple amoureux plutôt que le mariage, l’entreprise où ils se sentent bien plutôt que l’entreprise qui leur permet de gravir les échelons, etc. « Ils privilégient la fidélité à un groupe de collaborateurs avec lesquels ils s’entendent bien, plutôt qu’à l’entreprise elle-même. Ils remettent en cause les modèles hiérarchiques, préférant les modèles d’égalité. Pour qu’un porteur d’autorité leur soit crédible, il doit faire preuve d’ouverture, fédérer l’équipe et être compétent. L’âge et l’expérience ne suffisent plus ! Ils ne respectent donc pas forcément une personne au seul motif qu’elle a un statut plus important que le leur. Ils sont passés d’une autorité de fait à une autorité relationnelle », détaille Élodie Gentina.
Comme ils vivent dans l’instant présent, ils se préoccupent moins de leur plan de carrière. Ils ont d’ailleurs du mal à se projeter dans cinq ou dix ans, ne savent pas s’ils feront toujours le même métier ou resteront dans la même entreprise. Le travail n’est plus au centre de leurs préoccupations et, pour eux, le système pyramidal qui permettait de gravir les échelons, avec un devoir très fort de loyauté, est obsolète. « Tant qu’ils sont heureux, ils restent et sinon, ils partent : cela vaut aussi pour les métiers de la santé. Ils sont en quête de sens et cherchent à travailler dans des entreprises qui partagent leurs valeurs. Ils ont envie d’être co-acteurs et de participer à la gouvernance et aux prises de décision. On en est très loin à l’hôpital où l’administration règne en maître », insiste Élodie Gentina. Ils ne veulent plus non plus d’un métier à 45 ou 60 heures : ils recherchent une vie équilibrée et ce critère arrive avant celui du prestige du poste, de la recherche de la sécurité de l’emploi ou de la création de sa propre entreprise.
Sur le plan du soin
Leur façon d’être, de penser, de réagir, retentit aussi sur celle dont ils se font soigner et portent un regard sur l’équipe soignante. L’expérience des anciens comme valeur sûre est remise en cause, contrairement à des tutos ou des informations sur le net.
Quand ils ont besoin d’une information, ils commencent par la rechercher sur internet, considérant plutôt le médecin comme un coach de santé. « Face à un médecin hyperautoritaire, ils risquent donc de se rebeller et d’avoir une attitude inverse à la préconisation. Chez eux, ce qui fonctionne, c’est la stratégie d’écoute, l’esprit collaboratif. Ils veulent être associés à la prise de décision. De plus, l’influence des pairs est très importante », souligne Élodie Gentina.
Lorsque leur maladie nécessite un accompagnement, ils apprécient les notifications via leur téléphone portable (pour un rappel de rendez-vous par exemple), mais aussi la mise en contact avec d’autres jeunes vivant des histoires similaires, la participation à des groupes pour raconter leur expérience et enfin, pourquoi pas, des défis comme mettre en photo l’évolution de leur sourire tous les six mois en cas de traitement orthodontique par exemple.
Entretien avec Élodie Gentina, enseignante-chercheuse à l’IESEG school of management de Lille
(1) Élodie Gentina. Génération Z, des Z consommateurs aux Z collaborateurs . éd. Dunod, 2018
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