« Avec environ 2 500 à 3 000 nouveaux cas par an en France, les cancers pédiatriques restent rares (1). Représentant seulement 1 % des cancers, ils ont néanmoins progressé de 18 % en 15 ans, souligne la Dr Birgit Geoerger (Gustave Roussy, Villejuif). Ils touchent surtout les petits, la moitié des cas survenant avant l'âge de cinq ans. Enfin, ils présentent des caractéristiques biologiques bien différentes de ceux de l'adulte et sont très divers. On en dénombre en effet 60 types, dont environ 10 % sont liés à une prédisposition génétique identifiée ». Malgré tout, certains types prédominent : les leucémies, les tumeurs du système nerveux central et les lymphomes. « Les traitements, en général très lourds, sont toutefois associés à un taux important de guérison, autour de 80 % chez l'enfant. Et depuis peu, au-delà de la chimiothérapie-chirurgie-radiothérapie, des traitements ciblés, voire l'immunothérapie, ont une place chez certains patients en échec de traitement », explique la Dr Geoerger.
Percée des thérapies novatrices
Depuis 2007, les industriels développant un médicament chez l'adulte doivent aussi le faire chez l'enfant. « Cette règle a largement changé la donne ces dernières années en accélérant l'accès aux thérapies innovantes, avec à la clé plusieurs autorisations de mise sur le marché (AMM) en oncopédiatrie », constate la Dr Geoerger. C'est le cas de l'immunothérapie par pembrolizumab agréée chez l'enfant de plus de 10 ans, comme chez l'adulte, dans la maladie de Hodgkin. Il en est de même pour le larotrectinib, un inhibiteur NTRK utilisé dans les tumeurs cancéreuses avec fusion NTRK, retrouvées dans divers cancers pédiatriques et plus fréquemment dans les sarcomes du nourrisson. Il est désormais indiqué en cas d'échec à la chimiothérapie, sans limite d'âge. Il peut aussi être utilisé dans les 1 à 2 % de tumeurs cérébrales infantiles avec fusion NTRK. Par ailleurs, il existe quelques traitements uniquement agréés en pédiatrie, comme l’immunothérapie anti-GD2 indiquée dans le neuroblastome pédiatrique, avec une activité remarquable.
Peu de tumeurs concernées
« Les thérapies par CAR-T cells sont arrivées en pédiatrie, ajoute la Dr Geoerger. On y a recours dans certains sous types de leucémies en échec de traitement, soit quelques cas par an ». Il existe aussi des thérapies ciblées administrées chez un très petit nombre de patients, comme un inhibiteur de ALK donnant des réponses spectaculaires dans un lymphome particulier.
« Les thérapies innovantes, en particulier les thérapies ciblées, se multiplient en pédiatrie, mais guère plus de 5 à 7 % des tumeurs pédiatriques présentent des altérations spécifiques susceptibles aujourd'hui d'en bénéficier, nuance la Dr Geoerger. En effet, on observe un faible taux de mutation au sein des tumeurs infantiles par comparaison à celles de l'adulte ». C’est la raison pour laquelle l'activité de l'immunothérapie dans les tumeurs solides de l'enfant est limitée, avec guère plus de 5 % de réponses (hors lymphome de Hodgkin). De plus, la grande variété des tumeurs pédiatriques et la rareté de plusieurs d’entre elles ne facilitent pas l'identification de cibles potentielles.
Des programmes de recherche
Destiné à maximiser les possibilités thérapeutiques en oncopédiatrie, un vaste projet international piloté par la France, MAPPYACTS, a été lancé en 2015 avant d'être poursuivi par le programme France Médecine Génomique 2025. Il est consacré au séquençage des tumeurs pédiatriques en échec, et à la recherche des thérapies ciblées dont elles pourraient bénéficier. Parallèlement, le programme européen d'essai clinique AcSé-ESMART a été mis en place pour explorer les thérapies ciblées et/ou les immunothérapies, chez les enfants, adolescents et jeunes adultes (2). Il rassemble déjà aujourd'hui 15 bras de traitements de nouvelles thérapies en phase I-II. Ce qui devrait à l'avenir permettre d'élargir les options thérapeutiques chez les enfants en échec.
D'après un entretien avec le Dr Birgit Geoerger (Gustave Roussy, Villejuif )
(1) https://www.e-cancer.fr/
(2) Bautista F et al. Phase I or II Study of Ribociclib in Combination With Topotecan-Temozolomide or Everolimus in Children With Advanced Malignancies: Arms A and B of the AcSé-ESMART Trial. J Clin Oncol. 2021 Aug 4;JCO2101152.
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