En France, le harcèlement concerne de 15 à 20 % des enfants de 8 à 16 ans, dont environ de 10 à 12 % de victimes, de 6 à 7 % de harceleurs et de 3 à 4 % à double statut de victime et de harceleur. Il y aurait en fait environ de 5 à 6 % d’élèves victimes de harcèlement sévère, ce qui, pour certains chercheurs, est le seul chiffre à retenir pour parler de harcèlement au sens strict. Avec la mise en lumière de ce phénomène fort ancien, on observe en effet un glissement sémantique faisant de toute moquerie, critique ou agression un phénomène de harcèlement dès lors qu’il y a un critère de répétition.
La définition du harcèlement comporte trois critères : l’intentionnalité agressive visant à nuire ou rabaisser l’autre ; la dimension de répétition et d’inscription dans la durée ; la finalité de l’action, qui est d’établir une relation dissymétrique d’emprise, dont la victime ne peut se sortir seule. Cette relation vise à humilier la victime de façon extrêmement sévère, au point qu’elle va finir par faire sien le discours du persécuteur et avoir honte d’elle-même, ce qui peut entraîner des gestes suicidaires.
L’ambivalence de la relation de groupe
La plupart de ces phénomènes sont étroitement liés aux inévitables confits développementaux de tout individu, en lien avec un besoin social ambivalent : ressembler le plus possible aux autres tout en affirmant sa singularité. Le harcèlement débute lorsque la différence d’un des membres d’un groupe, par exemple un enfant autiste, avec une obésité ou un retard cognitif, trouble un autre enfant de ce groupe, futur harceleur, le plus souvent parce que cette différence lui rappelle ses propres failles ou imperfections, parfois parce qu’elle l’angoisse et qu’il n’en comprend pas les raisons. Le harcèlement va alors fédérer d’autres élèves.
À l’exception des quelques cas où les enfants présentent de troubles de la personnalité, la plupart de ces situations doivent être traitées comme des échecs de la dynamique de groupe aux périodes de construction de la personnalité. Cette hypothèse est renforcée par le fait que le harcèlement diminue notablement au lycée : de 12 % de victimes en primaire, 10 % au collège, on passe à 5 ou 6 % dès 15-16 ans. La dimension développementale est donc bien à prendre en compte. Par ailleurs, les campagnes de prévention ont permis une diminution de 15 % du harcèlement entre 2010 et 2014, notamment en classe de sixième, qui voit ses chiffres baisser de 30 % (1), ce qui va dans le sens d’un phénomène développemental et non pathologique.
Comprendre pour intervenir
C’est donc plus une vulnérabilité de situation qu’une vulnérabilité de personnalité. À cet âge, il existe une forte contamination émotionnelle entre enfants. Beaucoup ont encore peur que le handicap de l’autre ne lui arrive, par exemple. Cette absence de distance est à l’origine à la fois de la grande tolérance des enfants, et aussi, parfois, de leur grande répulsion.
Le dernier point central est la grande similitude entre la victime et l’agresseur. Il existe entre eux plus de points communs que de différences, comme l’a montré la thèse que j’ai dirigée en 2016 (2).
« Plus une vulnérabilité de situation qu’une vulnérabilité de personnalité »
Pédopsychiatre, praticienne hospitalière au centre hospitalier Henri-Laborit de Poitiers, auteur de l’ouvrage Le Harcèlement scolaire, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », 2015 (1) Ehlinger V. et al. « Brimades, harcèlement, violences scolaires, bagarres », dans Herr J. (éd.), La santé des collégiens en France 2014. Données françaises de l’enquête internationale HBSC, Santé publique France, 2016. En ligne (2) Bouloy A. Place et fonction de l’empathie dans le harcèlement scolaire. Thèse de médecine, Poitiers, 2016. En ligne Debarbieux E. Refuser l’oppression quotidienne : la prévention du harcèlement à l’école. Rapport au ministre de l’Éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, Observatoire international de la violence à l’école, avril 2011. En ligne
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