Dr Julien Legodec : « Nous voulons disposer d'une base de données assez riche pour pouvoir répondre à des questions scientifiques »

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Publié le 23/09/2019

Pour faire face aux défis de la spécialité, le groupe d'endoscopie de langue française a lancé EpiGELF, un registre prospectif sur la pratique de l'endoscopie bronchique interventionnelle, qu'elle soit diagnostique ou thérapeutique.

Crédit photo : DR

Née autour des années 1896, l'endoscopie bronchique est ancienne. Elle s'est véritablement modernisée à partir de la fin du XXe siècle, parallèlement à l'évolution de la prise en charge des cancers des poumons. Elle a encore progressé depuis les années 2005-2010, avec l'échographie endobronchique. Plus récemment, elle s'est élargie à des pathologies autres que les cancers, avec par exemple le très nouveau traitement endoscopique de l'emphysème par implantation de dispositifs médicaux. L'endoscopie thérapeutique, grâce à ses systèmes de navigation, permet maintenant d'envisager de manière alternative le traitement endobronchique distal de tumeurs bronchiques ou alvéolaires. Ces dernières années ont vu également évoluer le traitement des asthmes sévères en échec de toutes les thérapeutiques, avec la thermoplastie bronchique. « Des avancées qui poussent notre spécialité, en particulier l'endoscopie thérapeutique vers une sélection de plus en plus rigoureuse des patients », constate le le Dr Julien Legodec, coordonnateur d'EpiGELF, hôpital Saint-Joseph (Marseille).

Le Groupe d'endoscopie de langue française (Gelf) a été créé en 2001, avec à son actif la participation à de nombreux congrès et travaux de recherche. Mais on manquait d'informations précises concernant l'endoscopie interventionnelle : le nombre d'actes, sa pratique, ses résultats et sa morbimortalité. C'est pour y pallier qu'est née EpiGELF, une base de données nationale et prospective, qui va recueillir auprès des endoscopistes différents items rigoureusement sélectionnés. « Soucieux d'améliorer la pertinence de nos actes diagnostiques et thérapeutiques, nous souhaitions disposer d'une base de données assez riche pour pouvoir répondre à des questions scientifiques, souligne le pneumologue. Il était aussi nécessaire, devant les obligations du DPC et de recertification, de disposer d'un outils validé pour la FMC et la recertification. »

Un outil de recertification pour les participants

Le lancement d'EpiGELF date de 2019, mais l'idée germe depuis 4 ou 5 ans : c'est l'aboutissement d'un long parcours scientifique, administratif et juridique. Cela a été rendu possible grâce à l'expertise et la caution de la fédération des spécialités médicales (FSM), organisme d'état qui a pour mission de créer et d'organiser des registres et des bases de données.

Actuellement, 55 pneumologues et 25 centres d'endoscopie interventionnelle participent à EpiGELF, et le nombre de patients inclus ne cesse d'augmenter. L'inscription des praticiens à cette base de données se fait sur la base du volontariat, avec un accès internet personnalisé et sécurisé et les informations transmises sont anonymisées. Pour les endoscopistes interventionnels, la participation à EpiGELF contribue à enrichir leur pratique et présente aussi un outil supplémentaire pour la recertification et le DPC.

De nombreuses opportunités d'études

« Notre objectif est de pérenniser ce registre qui va s'alimenter au fur et à mesure. Nous souhaiterions pouvoir croiser nos données avec EpiTHOR, la base de données des chirurgiens thoraciques, pour avoir un suivi plus complet des patients comme ceux atteints de cancers des poumons par exemple. Nos data sont encore trop récentes pour être exploitables mais elles nous permettrons rapidement de répondre à certaines questions, comme le nombre de gestes réalisés sur une période donnée, leurs indications et leurs résultats », explique le pneumologue. À terme, elles pourront déboucher sur l'élaboration de recommandations nationales et la mise en commun des expériences permettra de mieux cerner certaines pathologies rares.

Pas de science sans humain

La médecine évolue de plus en plus vers les big data, et EpiGELF obéit à des impératifs non seulement scientifiques mais aussi administratifs, juridiques, éthiques. « Cette modernité n'exclut pas le côté humain, au contraire. La création du registre a suscité un réel engouement au sein du Gelf, renforçant les liens entre les endoscopistes, multipliant nos rencontres et nos échanges. On ne peut que se réjouir de ce rôle fédérateur essentiel qu'assure EpiGELF», se réjouit le Dr Legodec.

Entretien avec le Dr Julien Legodec, coordonnateur d’EpiGELF, hôpital Saint Joseph (Marseille).
Legodec J. et al, EpiGELF, la base de données on-line du GELF, Revue des Maladies Respiratoires. Volume 34, Supplement, January 2017, Pages A298-A299, https://doi.org/10.1016/j.rmr.2016.10.736

Dr Maia Bovard Gouffrand

Source : lequotidiendumedecin.fr