Les espèces végétales invasives sont en pleine expansion en France et, parmi elles, l'ambroisie à feuilles d'armoise, autrement nommée « herbe à poux » par nos cousins canadiens, en raison des démangeaisons qu'elle provoque. Arrivée d'Amérique du Nord à la fin du XIXe siècle, cette plante qui se développe globalement sur le 45e parallèle a trouvé un terrain de prédilection en France. Envahissante, elle pose problème non seulement en agriculture – envahissement des récoltes, baisse des rendements – mais aussi en santé humaine, en raison de son pollen très allergisant. Et ceci d'autant qu'elle est arrivée sans ses prédateurs et parasites naturels.
Or, bien que l’ambroisie ait été identifiée comme un problème de santé publique dès le début des années 1980, les actions menées se sont avérées insuffisantes. La plante est assez difficile à éradiquer : elle produit de très nombreuses graines pouvant rester en terre plusieurs années. Résultat, son territoire s'étend. Et la prévalence de l'allergie aux pollens d'ambroisie lui emboîte le pas.
Le Réseau national de surveillance aérobiologique (RNSA), l'Observatoire des Ambroisies (Fredon), l’Alliance contre les espèces invasives (AEI) et l'association Stop Ambroisie ont fait un point sur ce problématique début octobre à Paris (1).
Une infestation qui ne recule pas, faute de politique assez ambitieuse
Depuis 20 ans, l'ambroisie a colonisé de plus en plus de territoires. Le plus touché reste, de loin, la région Rhône-Alpes. Toutes les plaines cultivées sont infestées, du Vaucluse au sud jusqu’à l’Ain au nord en passant par Saint-Étienne à l’ouest. On estime qu'au total 45 000 à 50 000 hectares sont contaminés.
Hors de la Région Rhône-Alpes, l’ambroisie a déjà envahi plusieurs régions notamment la Bourgogne, le Toulousain, la vallée de la Loire et les Charentes. « La cartographie des émissions de pollens, réalisée par le RNSA, montre que l'on est désormais à près de 30 000 pollens/m3/an d'ambroisie en France. Et, dans plusieurs régions l'index pollinique est très élevé (risque d'allergie supérieur à 3 plus de 20 jours) ou élevé (risque d'allergie supérieur à 3 plus de 11 à 20 jours), avec un risque conséquent d'allergies », résume Samuel Monnier (RNSA).
Les autorités sanitaires se sont saisies de la lutte contre l'ambroisie. Mais, pour les élus de Charente et de la Drôme rassemblés dans l’Alliance contre les espèces invasives (AEI), les mesures ne sont pas à la hauteur du mal. « Certes les préfets peuvent prendre des décrets et définir des plans de lutte. Mais leur application relève des maires et n'est pas obligatoire. Du coup, on est face à des situations très contrastées d'un département à l'autre et même d'un village à l'autre. Sans compter que, côté agriculteurs, aucune aide n'est prévue pour compenser la perte d'un champ qu'il faudrait brûler en raison de l'invasion », explique notamment Vincent You (adjoint au maire d'Angoulême, AEI).
La mise en place de référents ambroisie, des référents territoriaux dont la mission est de repérer alerter et participer à la mise en œuvre des mesures est néanmoins une bonne chose. Actuellement, 5 100 collectivités ont désigné un référent ambroisie. En outre, tout le monde à la possibilité de signaler, par divers outils (3), la présence d'ambroisie (il y a actuellement 11 000 signalements/an). Mais, pour l'AEI une politique plus volontariste est nécessaire. Dans ce but l'alliance préconise trois mesures : la reconnaissance d'un statut de pollution aérobiologique ; l'inscription de l'ambroisie sur la liste des nuisibles agricoles et, enfin, de rendre la lutte véritablement obligatoire « sans laisser les maires seuls face à ce combat », résume Vincent You.
Une prévalence croissante associée à un coût sanitaire important
« Aujourd'hui, plus de 20 % de la population française présente des allergies aux pollens. Cette proportion a été multipliée par 3 en 25 ans et varie selon les âges mais aussi les régions. Globalement on est autour de 7 % chez les 6-7 ans, 18-20 % chez les 9-14 ans et 31-34 % chez les adultes », selon Samuel Monnier, ingénieur au RNSA.
Dans les régions les plus infestées – au premier rang desquelles la région Rhône-Alpes –, l'ambroisie tient une place importante et croissante dans ces allergies. Rien qu'entre 2004 et 2014, la prévalence de l'allergie à l'ambroisie a doublé en Rhône-Alpes. Résultat, on est à près de 10 % d'allergie à l'ambroisie en Rhône-Alpes.
L'ARS a réalisé dans cette région une étude médico-économique pour chiffrer les coûts liés à cette infestation. Avec une population de 6,7 millions d'habitants et une prévalence de 10 %, soit 660 000 allergiques exposés à un risque allergique fort (plus de 20 jours d'exposition à un taux important de pollens), les coûts directs liés aux soins et aux arrêts de travail se montent à 40 millions d'euros dont 86 % sont liés aux consultations/désensibilisations/médicaments et 14 % aux arrêts de travail (2).
Ce travail permet aussi d'estimer le coût d'une telle infestation le jour où toute la France serait aussi touchée que la région Rhône-Alpes. En France entière, avec 5,3 millions d'allergiques à l'ambroisie, on serait à 330 millions d'euros de dépenses de soins !
(1) Point presse "Bilan de la saison ambroisie 2019", Paris , 4 octobre 2019 organisée en partenariat par l’Observatoire des Ambroisies (FREDON) , le Réseau National de Surveillance Aérobiologique (RNSA), l’Alliance contre les Espèces Invasives (AEI) et l'association Stop Ambroisie.
(2) Impact sanitaire de l'ambroisie en Auvergne Rhône-Alpes : analyse des données médicoéconomiques 2017. Juin 2018 ORS/ARS Auvergne Rhône-Alpes
(3) Pour signaler l'ambroisie : - www.signalement-ambroisie.fr ; - application "Signalement Ambroisie " (iphone et android) ; - mail : contact@signalement-ambroisie.fr ; - tel : 0972 376 888
Pour en savoir plus : www.ambroisie.info ; www.pollens.fr
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