Les pneumonies aiguës communautaires comptent seulement pour 10 % des infections respiratoires basses. Elles n’en constituent pas moins un important problème de santé publique, en raison de leur fréquence élevée (500 000 cas par an en France), de leur gravité potentielle même hors comorbidité − puisque c’est la première cause de mortalité par infection en Occident (mortalité globale de 2 à 5 %) − et de leur coût, du fait d’un taux d’hospitalisation de 10 à 20 %. D’où l’intérêt d’étudier des pistes pour réduire ce coût, en particulier, réduire la durée de l’antibiothérapie et donc de l’hospitalisation. Cette stratégie permettrait en outre de limiter l’émergence de résistances ainsi que les effets secondaires.
Pour mémoire, la durée de traitement allait autrefois jusqu’à 10 à 15 jours. En France, chez les patients stabilisés, on est aujourd’hui à 7 jours de traitement antibiotique. Peut-on aller encore au-delà ? Telle est la question posée dans une récente étude française, menée par le groupe « Pneumonie traitement court », coordonné par le Dr Aurélien Dinh (CHU Raymond-Poincaré Garches, Université Paris-Saclay). Cette étude a comparé, chez des adultes stables à J3 sous bêtalactamine (sujets apyrétiques depuis au moins 48 heures, sans instabilité clinique ni signes extra-pulmonaires d’infection), l’arrêt versus la poursuite du traitement. « Ses résultats concluent à la non-infériorité d’un traitement court, interrompu à J4 (trois jours de traitement), versus sa poursuite pour une durée totale de 8 jours », résument les auteurs (1).
Ce travail, publié récemment dans le Lancet, est un essai clinique de non-infériorité multicentrique randomisé en double aveugle versus placebo. Il a été mené chez des adultes hospitalisés pour pneumonie communautaire modérément sévère, hors service de réanimation. Ils ont été randomisés, une fois stables après trois jours de traitement probabiliste par bêtalactamine (amoxicilline-acide clavulanique 1 g/125 mg x3/j) administrée par voie parentérale, avec une stratification sur le centre d’inclusion et l’index de sévérité de la pneumonie, en deux bras : traitement long avec cinq jours (de J4 à J8) d’amoxicilline-acide clavulanique supplémentaires ou traitement écourté, avec cinq jours de placebo.
300 patients analysés sur 5 ans
Au total, en 5 ans (de 2013 à 2018), plus de 300 patients ont été sélectionnés dans seize centres. Le critère principal d’évaluation est la guérison, 15 jours après le début de traitement. Elle est définie par une apyrexie (température ≤ 37,8 °C) et la résolution ou amélioration des symptômes respiratoires, sans traitement antibiotique additionnel quelle qu’en soit la cause.
Partant de 706 patients hospitalisés pour pneumonie aiguë communautaire de sévérité modérée, 310 répondaient au critère d’inclusion à J3. Sept ont retiré leur consentement. L’étude porte donc sur 153 patients dans le bras traitement long, versus 157 patients dans le bras traitement court.
Ces sujets ont 73 ans d’âge médian ; 60 % sont des hommes. Leur CRP moyenne est autour de 120 mg/l.
La guérison à J15 est intervenue respectivement chez 68 % des patients du bras traitement long et 77 % de ceux du bras traitement court (analyse en intention de traiter) : la non-infériorité est remplie. Et, quand on se restreint aux patients à haut risque d’échec − sujets âgés et/ou souffrant d’une pneumonie sévère (PSI > 91) − la non-infériorité persiste.
On n’observe pas de différence significative entre les bras en termes d’effets secondaires (19 % pour le traitement long vs 14 % pour le traitement court), dominés par les désordres digestifs (19 % vs 11 %). Le suivi à un mois met néanmoins en évidence, dans le bras traitement court, trois décès (2 %) : un décès lié à une bactériémie à Staphylocoque doré, un lié à un choc cardiogénique sur œdème aigu du poumon, et un décès lié à une insuffisance cardiaque aiguë associée à une insuffisance rénale aiguë.
Des données pas nécessairement suffisantes pour recommander le traitement court
Cette étude suggère donc que les patients présentant une pneumonie communautaire hospitalisés pourraient être traités par seulement trois jours de bêtalactamines dès lors qu’ils sont stables à J3. Le traitement des pneumonies aiguës communautaires modérément sévères stabilisées à J3 semble donc pouvoir être écourté. Cette étude va-t-elle pour autant venir bousculer les recommandations et la pratique clinique ? On peut légitimement se le demander. Des études de confirmation pourraient être nécessaires avant de modifier les recommandations. Quant aux implications en pratique clinique, c’est encore une autre paire de manches. « Depuis 2019, la durée de traitement antibiotiques totale recommandée pour une pneumonie aiguë communautaire stabilisée est de 5 jours aux États-Unis. Néanmoins, dans la vraie vie, la durée moyenne de traitement est restée proche de 10 jours (9,5 jours) dans une enquête récente menée sur 150 000 patients Américains », rappellent les éditorialistes (2,3).
(1) A Dinh et al. Discontinuing β-lactam treatment after 3 days for patients with community-acquired pneumonia in non-critical care wards (PTC) - for the Pneumonia Short Treatment (PTC) Study Group. Lancet 2021; doi :https://doi.org/10.1016/S0140-6736(21)00313-5
(2) MS Niederman, LA Mandell. How low can we go in community-acquired pneumonia therapy ? Lancet 2021; DOI :https://doi.org/10.1016/S0140-6736(21)00627-9
(3) JP Metlay et al. Diagnosis and treatment of adults with community acquired pneumonia : an official clinical practice guideline of American Thoracic Society and Infectious Diseases Society of America. Am J Respir Crit Care Med 2019;200:e45-e67
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