LE CONSTAT, établi de longue date, de la grande hétérogénéité de l’asthme et des échecs d’un traitement univoque est à la base des études sur les phénotypes de la maladie. Le phénotypage peut se faire selon une démarche a priori qui prend en compte les caractéristiques cliniques (âge de début, sévérité, contrôle de la maladie, exacerbations…), les facteurs favorisants (allergie, rhinosinusite…), les comorbidités et l’inflammation éosinophilique ou neutrophilique. On définit également des phénotypes liés à la réponse aux traitements. Le médecin caractérise ainsi l’asthme de son patient avec des adjectifs qualificatifs et le fait entrer dans un cadre particulier. L’autre démarche est de nature systémique et consiste, à partir des mêmes caractéristiques que celles énoncées précédemment, âge de début de la maladie, sévérité, contrôle, etc., et en appliquant des techniques statistiques (analyse en cluster ou en composantes principales…), à caractériser des groupes de patients définis de façon transversale ou suivis de façon longitudinale.
L’objectif du phénotypage est, dans tous les cas, de donner à chaque patient le traitement le mieux adapté aux caractéristiques de sa maladie et de mieux appréhender son évolution. Par ailleurs, à l’heure où apparaissent de nouveaux traitements comme les biothérapies, cette démarche devrait permettre de prévoir quels patients seront susceptibles d’en bénéficier. Une étude récente (1), menée chez des malades dont l’asthme n’était pas contrôlé par des corticoïdes inhalés, illustre le bien-fondé de cette démarche. Ses résultats témoignent d’une meilleure efficacité du traitement par un anti-IL-13 chez les patients qui avaient des taux de périostine élevés que chez ceux dont les concentrations de ce biomarqueur étaient faibles. Pour les auteurs, ces données suggèrent le rôle potentiel des biomarqueurs dans l’identification des patients qui pœuvent bénéficier de thérapies spécifiques. La définition de tels facteurs prédictifs est d’autant plus intéressante que le coût de ces nouveaux traitements est souvent important.
Phénotypes cohérents et incohérents.
Le phénotypage est une démarche en pleine évolution, mais certains phénotypes sont déjà bien caractérisés. On sait ainsi qu’un asthme apparu précocement dans la vie, léger, allergique et éosinophilique chez un patient sans comorbidités devrait répondre à une corticothérapie inhalée et conserver ce même profil durant toute la vie. C’est ce que l’on appelle un phénotype cohérent qui correspond à la majorité des asthmes et qui est accessible aux traitements disponibles actuellement. À l’inverse, il existe des phénotypes incohérents qui sont plutôt des asthmes sévères, non allergiques, avec une obstruction bronchique persistante, chez des patients en surpoids pour lesquels la réduction de la consommation de corticostéroïdes et le recours à des thérapeutiques nouvelles pourraient être bénéfiques.
Le phénotypage vise également à mieux appréhender le futur des asthmatiques ; il s’inscrit, en ce sens, dans une démarche de prévision du pronostic d’une maladie chronique.
Il s’agit donc, à la fois, de traiter de la façon la mieux adaptée à chaque profil d’asthme, d’optimiser le traitement présent et d’envisager le futur avec l’objectif d’éviter le déclin de la fonction respiratoire et les exacerbations de la maladie.
À l’heure actuelle toutes les données cliniques font état d’un taux élevé, estimé à 30-40 %, de patients dont le contrôle de la maladie n’est pas satisfaisant en dépit des divers traitements proposés. Le retentissement clinique immédiat ou à long terme de ces situations et leur évolution dans le temps restant inconnus, il est particulièrement intéressant de disposer d’éléments comme les biomarqueurs qui permettent de sortir d’une appréciation médicale le plus souvent subjective.
Dans une maladie chronique d’expression très hétérogène comme l’asthme, la connaissance de ces phénotypes devrait permettre de mieux prévoir l’avenir des patients, de mieux les traiter et, avec l’avènement de nouvelles thérapeutiques, de mieux définir ceux qui seront susceptibles d’en bénéficier.
D’après un entretien avec le Pr Pascal Chanez, AP-HM, INSERM CNRS U600 Aix-Marseille université, Marseille.
(1) Corren J, et coll. Lebrikizumab treatment in adults with asthma. N Engl J Med 2011;365:1088-98.
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