Des pistes pour des stratégies de prévention plurielles

30 facteurs de risques dès la grossesse dans les psychoses

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Publié le 28/04/2020
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Une méta-analyse parue dans « The Lancet psychiatry » met en lumière 30 facteurs de risques prénataux et périnataux impliqués dans les psychoses et cinq facteurs protecteurs. Un plaidoyer en faveur de stratégies de prévention plurielles.
Un poids de naissance au dessus de 3,5 kg joue un rôle protecteur

Un poids de naissance au dessus de 3,5 kg joue un rôle protecteur
Crédit photo : Phanie

Dans quelle mesure les évènements qui surviennent pendant la grossesse ou les sept premiers jours de vie de l'enfant influencent-ils le développement de troubles psychotiques ? Et quels sont les principaux facteurs associés ?

Une méta-analyse publiée ce 24 mars dans « The Lancet psychiatry » portant sur 152 études récentes (la dernière remonte à juillet 2019, la plus ancienne, à 1977) identifie 30 facteurs de risques et cinq facteurs protecteurs, parmi 98 étudiés. 

L'équipe britannique du King's college London identifie comme principaux facteurs de risque l'existence d'une psychose chez la mère (OR de 7,61), ou d'une psychopathologie chez la mère (OR de 4,60) ou le père (OR 2,73) ; la présence de troubles affectifs (OR 2,26) ; un polyhydramnios (3,05), un stress maternel (2,40), des malformations congénitales (2,35), ou encore une rupture prématurée des membranes (2,29).

Bien qu'avec un odd ratio inférieur à deux, d'autres facteurs contribueraient au développement de troubles psychotiques, considèrent les chercheurs. 

Facteurs familiaux 

En matière de facteurs familiaux, avoir un enfant avant 20 ans ou après 30 ans pour les femmes, et 35 ans pour les hommes, serait un facteur de risque. A contrario, donner vie entre 20 et 29 ans serait un facteur protecteur (OR d'environ 0,92). Avoir plusieurs enfants serait un autre facteur de risque (OR 1,30), tandis que la nulliparité serait un facteur protecteur (OR 0,91). Mais les auteurs appellent à prendre ces résultats avec prudence. Ces facteurs pourraient en effet se recouper et cumuler, avec également le niveau socio-économique et une moindre disponibilité des ressources pour chaque enfant dans les familles nombreuses. 

Un nombre de visites prénatales insuffisant semble majorer le risque (x 1,83) de troubles psychotiques chez les enfants. Mais l'interprétation n'est pas univoque, soulignent encore les auteurs : « Cela peut être l'indice d'une santé mentale défaillante, de la part de la mère ou de conditions socio-économiques défavorisées, susceptibles d'entraver l'observance des bonnes pratiques ou comportements », lit-on. Les auteurs pointent aussi la responsabilité de carences nutritionnelles (1,40) voire de la famine (1,61). 

Le poids des complications obstétricales semble indéniable. Cette méta-analyse confirme l'association entre développement de troubles psychotiques et l'hypoxie (OR 1,63) ou la rupture prématurée des membranes (2,29), mais ne retrouve pas, en revanche, un lien significatif avec l'asphyxie et des pertes de sang pendant la grossesse, pourtant ébauché dans la précédente méta-analyse de 2002, et encore moins avec une prééclampsie (résultat déjà connu).

Herpès et infections

Quant aux infections maternelles qui pourraient avoir un rôle significatif, les auteurs identifient l'herpès simplex de type 2 (1,35) et les infections (non spécifiées, 1,27), quoique le rôle de ces dernières varie selon la nature, la gravité de l'infection et le sexe du fœtus (le masculin étant plus à risque). Ils rejettent en revanche l'existence d'un lien avec la grippe ou la toxoplasmose.

À la naissance, un petit poids est identifié comme un facteur de risque, tandis que des poids de naissances entre 3,5 et 4 kg (OR 0,90) ou plus de 4 kg (0,86) jouent un rôle protecteur. Contrairement aux méta-analyses précédentes, ils ne voient pas de lien significatif entre troubles psychotiques et prématurité ou petite taille, et soulignent l'incertitude qui pèse encore sur le rôle du développement fœtal, même si stress cellulaire et dérégulation endocrine ou métabolique peuvent jouer, notamment sur la schizophrénie. 

Enfin, l'étude confirme que naître l'hiver dans l'hémisphère nord est un facteur de risque significatif.

Au-delà d'une meilleure compréhension de la pathogenèse des psychoses, cette méta-analyse, la première depuis 20 ans, doit permettre d'élaborer des stratégies de prévention portant non sur des facteurs isolés, mais sur de multiples facteurs de risque.

C.Davies et al., «The Lancet Psychiatrie », 24 mars 2020, https://doi.org/10.1016/S2215-0366(20)30057-2

Coline Garré

Source : Le Quotidien du médecin