Quelle stratégie thérapeutique adopter en cas d'échec d’un premier traitement antidépresseur ? C'est ce qu'a voulu étudier l’équipe du service de psychiatrie de l’adulte de l’hôpital Hôtel-Dieu AP-HP, de l’Inserm et d’Université Paris Cité. Cette étude publiée dans le « Journal of Clinical Psychiatry » a été coordonnée par le Pr Cédric Lemogne au sein du DMU Psychiatrie et Addictologie (AP-HP Centre-Université Paris Cité).
En France, 10 % des adultes ont souffert d'un épisode dépressif caractérisé, au cours des 12 derniers mois. Si les antidépresseurs sont le traitement médicamenteux de première ligne, dans les épisodes d'intensité modérée à sévère, ou encore face à des troubles anxieux (trouble panique, anxiété généralisée), seulement un patient sur deux répond au premier prescrit. En cas d'échec, les prescripteurs tendent à proposer un autre antidépresseur à la place ou en plus du premier. Mais toutes les stratégies thérapeutiques ne se valent pas, met en lumière cette étude.
L'efficience évaluée à partir des données de santé nationales
Alors que la littérature scientifique basée sur les essais randomisés ne permet toujours pas de guider le choix, les chercheurs ont utilisé une méthode innovante, en utilisant le système national des données de santé (SNDS) en collaboration avec la Caisse nationale de l’Assurance-maladie (Cnam). Ces données couvrent plus de 80 % de la population française.
Les chercheurs ont postulé qu'après une première prescription d'antidépresseur, la suivante reflète l'appréciation de l'efficacité et de la tolérance de la première. Concrètement, si le même médicament est reconduit, c'est qu'il a été jugé plus adapté qu'un autre. Cette probabilité de continuation de l'antidépresseur prescrit en seconde ligne a été choisie comme le critère de jugement de cette étude ; celle-ci inclut les 63 736 patients qui ont reçu un second médicament, sur le 1,2 million de personnes ayant reçu un antidépresseur pour la première fois en 2011.
Un autre ISRS, l'option la plus efficiente après un ISRS
Les résultats obtenus montrent que les changements intraclasses sont préférables à des changements de classe pour les inhibiteurs sélectifs de recapture de la sérotonine (ISRS). Ainsi après un ISRS en première ligne, prescrire un autre ISRS est l’option la plus efficiente en seconde ligne (aOR : 1,37), devant une combinaison de thérapie (1,18).
Après la prescription d’un alpha-2 bloqueur ou d'un antidépresseur tricyclique, prescrire une bithérapie était l’option la plus efficiente en seconde ligne (respectivement 1,59 et 2,53), plutôt que de changer de traitement, à l'intérieur d'une même classe thérapeutique. Enfin, après la prescription d'un inhibiteur de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSNA), il n’y avait pas de différence entre les deux stratégies.
Dans un second temps, les chercheurs se sont penchés sur les médicaments, en se concentrant sur la vingtaine la plus prescrite. L’option la plus efficiente en deuxième ligne était quasiment toujours l’escitalopram, que ce soit après un traitement par fluoxétine, paroxétine, venlafaxine et tianeptine, et même miansérine. Quand l'escitalopram est prescrit en première intention, l'option la plus efficace en seconde intention est alors la venlafaxine, sans grande différence néanmoins par rapport à un changement pour la sertraline, la fluoxétine, ou une combinaison entre l'escitalopram et la miansérine (alpha-2 bloqueur) ou la mirtazapine.
Par ailleurs, certains traitements de seconde ligne se sont avérés nettement moins efficients que l’option de référence. Par exemple, après un traitement en première ligne par venlafaxine, un traitement en seconde ligne par tianeptine ou miansérine, bien qu’autant prescrit que la sertraline, était deux fois moins efficient et accepté (aORs<0.5).
Choisir le traitement de seconde ligne en fonction du premier antidépresseur
Cette étude suggère que les traitements antidépresseurs de seconde ligne doivent être choisis en fonction du premier antidépresseur prescrit. Cette étude ouvre par ailleurs la voie à l’utilisation des bases de données médico-administratives telles que le SDNS dans l’évaluation, non seulement de l’efficience des traitements antidépresseurs, mais également d’autres médicaments, aussi bien dans leur indication première que comme candidats à un repositionnement.
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