Au regard de la prévention du suicide, la covid est à la fois un problème et le début d’une solution. Le malaise actuel s’articule autour d’un changement sociétal, avec des modes de fonctionnement en bout de course, hérités d’avant la révolution industrielle. Là-dessus survient une crise qui fait apparaître des dysfonctionnements sociaux qui n’était pas visibles et a saturé les situations mentales. Dans ce contexte, la poursuite de la déstructuration est inévitable, mais peut aussi permettre l’émergence de néo-organisations.
La crise a d’abord montré l’insuffisante capacité du système à faire face à la situation. Au niveau associatif, des systèmes d’intervention auprès des publics fragilisés se sont mobilisés et ont été particulièrement créatifs pour l’accueil ou pour l’écoute. Mais des opérateurs de développement personnel fantaisistes, ont également bénéficié de la période.
La traduction de la crise, son incidence sur le malaise des populations s’est produite en deux temps. Le premier confinement a abouti à une diminution des passages à l’acte suicidaires. À l’inverse, fin 2020, on a assisté, notamment chez les jeunes, à une augmentation forte des tentatives, avec des épisodes violents. L’inédit sort les individus de leur routine, donc perturbe leur fonctionnement, y compris pathologique habituel. Leur attention se focalise sur quelque chose. Et, même si ça peut être anxiogène, c’est une motivation à vivre. Mais avec la répétition des épisodes, on rentre dans un autre fonctionnement mental qui amène à se dire : « je ne comprends plus rien », « qu’est-ce qu’on va devenir ? »… La répétition, l’absence de visibilité impactent doublement les jeunes, car les adultes les encadrant sont très atteints eux aussi et possiblement plus déstabilisés qu’avant. La pandémie nous montre bien que ce qui est le plus délétère, c’est l’imprévisibilité. Donc tout programme doit d’abord travailler la lisibilité de ce qui se passe, la rendre cohérente et compréhensible.
Favoriser des modèles alternatifs
Dans ce cadre, l’enjeu est de passer d’un système de régulation verticalisé (celui des ARS, par exemple), étayé sur « les bonnes pratiques » qu’on doit mettre en place, à un autre plus horizontal, plus adapté au XXIe siècle, dans lequel les Pouvoirs publics soutiendraient la co-élaboration écologique de modèles alternatifs, mieux adaptés à la diversité des territoires. La crise sanitaire pourrait accélérer ce changement de paradigme. De ce point de vue, elle constitue est à la fois un problème et une opportunité. Malheureusement, les systèmes anciens ont du mal à accepter le changement : avec l’épidémie on pensait qu’on allait revenir sur un bon nombre de fonctionnements. Mais on n’a pas (encore ?) voulu prendre ce temps.
Reste que nombre des structures en place ont innové, même si l’impact des dispositifs de prévention du suicide n’est souvent visible qu’assez longtemps après leur création. Le réseau départemental de prévention du suicide VIES 37 fonctionne très bien sur ce principe écosystémique, beaucoup plus interactif, ainsi que l’unité d’ados du CHU, avec la thérapie familiale en première intention. Il est indispensable que l’on développe ces modèles d’interventions partagées tant dans la compréhension de ce qui se passe que dans la co-création des réponses personnalisées. En lien avec les objectifs nationaux.
Mais une importante difficulté reste la dissymétrie entre une inflation de dispositifs de détection et l’absence de moyens ajustés pour les structures d’accompagnement et de prise en charge. Il faut parfois plusieurs semaines pour faire hospitaliser un·e ados suicidaire dans le service adéquat : ça ne va pas. Il y a de l’argent pour la santé. Il faudra en réinjecter davantage dans des structures de psychiatrie. Et à cette condition aussi, nous verrons une prévention du suicide plus performante.
Exergue : Une importante difficulté reste la dissymétrie entre une inflation de dispositifs de détection et l’absence de moyens ajustés pour les structures d’accompagnement
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024