Alors que 54 % des personnes autistes auront utilisé des médecines complémentaires, alternatives et intégratives au moins une fois au cours de leur vie, le niveau de preuve soutenant leur efficacité et leur innocuité est insuffisant.
Ce sont les conclusions d’une revue menée par des chercheurs de l’Université Paris Nanterre et de l’Université Paris Cité. En se penchant sur 248 méta-analyses, basées sur plus de 200 essais cliniques incluant plus de 10 000 participants, les chercheurs ont évalué 19 interventions : acupuncture, médiation animale, divers régimes et compléments alimentaires, deux techniques de stimulation transcrânienne, musicothérapie, thérapie d’intégration sensorielle et activité physique. Leurs résultats sont publiés dans Nature Human Behaviour. Ils ont par ailleurs développé une plateforme web d’information destinée à la population générale, dont les professionnels de santé.
Les effets significatifs ne sont pas soutenus par des preuves suffisantes
« Même si certaines semblent prometteuses, nous n’avons trouvé aucune preuve de haute qualité qui soutienne l’efficacité de ces thérapies pour les symptômes principaux ou associés de l’autisme », lit-on dans l’étude. L’intervention avec le niveau de preuve (Grade) le plus élevé était la supplémentation en ocytocine. Son efficacité était négligeable et non significative pour les symptômes principaux de l’autisme (différence moyenne standardisée [SMD] entre -0,04 et 0,06 ; Grade très faible à modéré), sauf pour les comportements stéréotypés et restreints de l’adulte où un petit effet a été observé (SMD 0,404 ; Grade modéré). La seule autre intervention soutenue par un niveau de preuve au moins modéré était la consommation d’acides gras poly-insaturés pour les enfants en âge d’aller à l’école, mais l’effet n’est pas considérable.
Même si certaines interventions ont démontré un effet large (SMD ≥ 0.80) et étaient statistiquement significatives, à chaque fois le niveau de preuve était très faible. Par exemple, chez les enfants en âge d’être scolarisés, on retrouve une efficacité sur tous les symptômes de la musicothérapie (SMD 0,835), de la médiation animale (SMD 0,934) et de la stimulation transcrânienne à courant direct (tDCS) (SMD 0,844). La mélatonine est aussi efficace dans cette tranche d’âge pour améliorer la qualité et durée du sommeil (SMD respective 1,124 et 1,08). Chez les adolescents, la stimulation transcrânienne répétitive semble être efficace pour réduire les comportements stéréotypés (SMD 0,899) et chez l’adulte, l’activité physique aurait des bénéfices potentiels pour les échanges sociaux (SMD 0,874).
Moins de la moitié des thérapies évaluées sur leur sûreté
« C’est l’un des principaux résultats de notre étude : la qualité des preuves scientifiques est assez faible. On est très incertain de la confiance qu’on peut leur accorder », souligne Corentin Gosling, maître de conférences en neuropsychologie à l’Université Paris Nanterre et membre du service de pédopsychiatrie à l’hôpital Robert-Debré (AP-HP) et premier auteur de l’étude.
En sus des faibles niveaux de preuves pour la grande majorité des thérapies alternatives, les chercheurs ont mis en évidence une lacune majeure : moins de la moitié des interventions est évaluée pour son acceptabilité, sa tolérabilité ou ses effets secondaires. Un problème qui peut être important, comme pour l’administration de sécrétine, cette hormone intestinale, et qui « représente un défi de santé publique majeur », alertent les auteurs de l’étude.
Les conclusions démontrent la nécessité d’avoir des essais cliniques à la méthodologie rigoureuse, minimisant les biais potentiels. « Nous avons trouvé énormément de biais dans les publications, nous avons exclu une méta-analyse sur six à cause d’erreurs statistiques », signale Corentin Gosling. « Heureusement, ajoute-t-il, la qualité méthodologique a tendance à s’améliorer. Reste à espérer que cela se maintienne dans le temps. »
Une plateforme pour informer la décision médicale partagée
« Il y a urgence à synthétiser toutes les connaissances disponibles sur l’efficacité et l’innocuité des médecines alternatives pour les personnes autistes, afin de permettre une prise de décision médicale partagée basée sur des preuves », lit-on dans l’étude. Les chercheurs ont développé en 2022, lors de leur revue des interventions psychosociales, une plateforme d’information qu’ils ont alimentée avec les conclusions de cette nouvelle étude.
« Lorsque les personnes autistes ou leur famille ont une interrogation quant à l’intervention qu’ils souhaiteraient suivre, la plateforme leur donne les informations nécessaires à un choix éclairé », explique Corentin Gosling. Ainsi, sont renseignés le niveau de preuve scientifique mais aussi les détails de chaque intervention : qui la réalise, à quelle fréquence etc., afin que les personnes comprennent l’influence prévisible en pratique dans leur vie quotidienne. Au moment du diagnostic, le médecin peut rediriger le patient vers la plateforme afin de pouvoir choisir ensemble les interventions souhaitées.
La plateforme permet une prise de décision médicale partagée basée sur des preuves
Corentin Gosling, service de pédopsychiatrie à l’hôpital Robert-Debré (AP-HP)
L’évaluation des interventions pharmacologiques dans l’autisme sera bientôt intégrée à la plateforme. Puis, à partir de 2026, les données seront mises à jour chaque année : prise en compte de nouvelles études, épuration des essais cliniques de mauvaise qualité, nouvelles interventions… « C’est important car la recherche avance vite. Par exemple nous n’avions pas recensé de méta-analyse sur la chélation, (une thérapie visant à éliminer des métaux nocifs de l’organisme, NDLR), mais une étude est parue cette année », note Corentin Gosling.
Au cours des deux prochaines années, l’équipe retravaillera la plateforme en fonction des retours des usagers, (cliniciens de première ligne puis personnes concernées). Ensuite, ils lanceront une première étude d’impact auprès de médecins volontaires. Le contenu de cette synthèse, qui alimente la plateforme, sert aussi actuellement à la Haute Autorité de santé dans l’élaboration de nouvelles recommandations sur la prise en charge de l’autisme.
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