« NOUS AVONS voulu faire un portrait global qui révèle toute la richesse de sa personnalité », commente la directrice du musée, Emmanuelle Le Bail, visiblement conquise par son personnage. Marie Bonaparte, princesse Georges de Grèce et de Danemark, qui aida Freud à émigrer à Londres en 1938, avait déjà suscité plusieurs biographies et un téléfilm**, dans lequel elle est incarnée par Catherine Deneuve. Mais c’est la première fois qu’une exposition l’évoque à travers ses objets familiers, ses écrits, les photos et portraits de son entourage familial et de ses différentes résidences. Le cadre du musée, qui n’est autre que l’ancienne maison construite en 1935 par le pharmacien Alfred Daniel-Brunet, fondateur du laboratoire Brunet (coréïne, titanocoréïne, bismuth-mucilage…), se prête particulièrement bien à ce portrait sensible.
Le visiteur suit donc la naissance de Marie, le 2 juillet 1882, à Saint-Cloud, dans la maison de villégiature de son père Roland Bonaparte, le petit-fils de Lucien, ethnologue et botaniste. Sa mère, Marie-Félix Blanc, héritière d’une famille qui s’est enrichie dans les casinos, meurt un mois après, lui laissant une immense fortune, à condition qu’elle vive jusqu’à 18 ans. Elle va mener une enfance solitaire et surprotégée sous l’autorité de sa grand-mère paternelle. Ils sont là dans les vitrines, ces carnets qu’elle noircit de 7 ans et demi à 10 ans en allemand et en anglais (appris par ses nourrices et non connus de sa grand-mère), ces « Bêtises » qu’elle publiera plus tard, après sa psychanalyse, avec les notes de Sigmund Freud.
La petite-fille ne parle qu’à ses poupées dans le parc de la maison de Saint-Cloud, qu’elle ne cessera d’agrandir tout au long de sa vie. À sa mort, il couvre 35 hectares. Autre maison, l’hôtel de l’avenue d’Iéna, construit par son père en 1899 pour abriter les 180 000 livres de sa bibliothèque, et ses herbiers. Ce père admiré mais peu présent. Enfin, le Lys de mer, sa demeure de Saint-Tropez, une maison moderne des années 1930 où le sable affleure et où elle reçoit famille et amis.
Empruntant le grand escalier, le visiteur pénètre dans l’intimité de la princesse, de sa famille de conquérant et d’assassin, comme elle le disait elle-même, faisant référence à son arrière-grand-oncle empereur et à son grand-père Pierre, célèbre pour avoir assassiné le journaliste Victor Noir. La princesse Bonaparte qui épouse en 1907 le prince Georges, second fils du roi de Grèce, on se doute que ce mariage fit les beaux jours de la presse à grand tirage. Diadème de Cartier et voile de mariée brodée. Et bientôt deux enfants. Plus tard, elle formera avec son mari un couple de grands-parents attentifs, généreux, pétris d’humanité, passionnants, comme en témoigne sa petite-fille Tatiana dans le catalogue de l’exposition. En ajoutant qu’il n’était pas toujours facile d’avoir pour grand-mère une disciple de Freud, qui « examinait sans cesse, l’enfant puis l’adolescente que j’étais et ne se privait pas d’exprimer un diagnostic ou un jugement ».
Ambassadrice.
La psychanalyse, parlons-en. C’est la troisième partie de l’exposition. Marie Bonaparte, qui n’a pas fait d’études, lit l’« Introduction à la psychanalyse » sur les conseils de Gustave le Bon, alors son mentor. Et c’est par l’entremise d’un ami, le Pr René Laforgue, qu’elle obtient un rendez-vous avec Sigmund Freud. Elle est alors déprimée après la mort de son père, qui a réveillé les souvenirs de son enfance douloureuse.
La première rencontre a lieu le 30 septembre 1925. La fascination est réciproque. Elle découvre un nouveau père et lui voit en elle l’ambassadrice rêvée de sa pensée en France. Ce qu’elle sera. Apportant son soutien moral et financier à la création en 1926 de la Société psychanalytique de Paris et de la « Revue française de psychanalyse », elle traduit également plusieurs ouvrages de Freud en français. Elle rencontre le médecin viennois régulièrement jusqu’en 1931 puis épisodiquement jusqu’en 1938.
De son œuvre à elle (elle devient à son tour analyste), plutôt qu’un article publié sous un pseudonyme sur les causes anatomiques de la frigidité féminine (dont elle pensait souffrir), la postérité gardera son étude psychanalytique d’Edgard Poe, qui suscite l’intérêt des milieux littéraires. Dès 1927, elle condamne la peine de mort, s’intéressant aux troubles psychologiques de plusieurs assassins. Elle fut également un mécène éclairé de l’Institut Pasteur et de l’Institut du Radium, se passionnant pour la radiothérapie.
Libre-penseuse qui aimait se ressourcer dans la nature, elle fit graver sur sa tombe à Tatoï, en Grèce, aux côtés de son mari, ces vers de Leconte de Lisle : « Et toi, divine Mort où tout rentre et s’efface/ Accueille tes enfants dans ton sein étoilé,/ Affranchis-nous du temps, du nombre et de l’espace/ Et rends-nous le repos que la vie a troublé. »
Jusqu’au 12 décembre, musée des Avelines, 60, rue Gounod, 92210 Saint-Cloud, tél. 01.46.02.67.18. Du mercredi au vendredi de 12 à 18 heures et du samedi au dimanche de 14 à 18 heures.
** « Princesse Marie », France 2/Arte, 2003)
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