Au mois d’octobre dernier se tenait à Stockholm le colloque international Psychedelics in Psychiatry. État des lieux de la recherche sur l’utilisation thérapeutique des substances psychédéliques, il succédait au congrès 75 Jahre LSD, fêtant en avril à Bâle le 75e anniversaire de la découverte des effets du LSD, à la journée d’études psychédéliques qui s’est tenue au Muséum national d’histoire naturelle à Paris le 9 mai, et à la conférence Beyond Psychedelics à Prague en juin, entre autres manifestations réunissant psychiatres, pharmacologues, psychologues cliniciens ainsi qu’anthropologues et historiens des sciences.
Parallèlement à ce regain d’intérêt des scientifiques pour un sujet toujours un peu suspect – ces substances restant strictement contrôlées, et donc d’un accès difficile pour l’expérimentation –, on assiste à l’émergence d’un mouvement international d’amateurs prônant l’usage responsable des psychédéliques à des fins curatives, récréatives, spirituelles… et même, grâce à des « microdoses » subliminales, pour l’optimisation des performances au travail ! La multiplication de « sociétés psychédéliques », organisées en réseau, témoigne de ce mouvement.
Enfin, et l’on pourrait s’en inquiéter, fleurissent des « centres de retraite » clandestins, au Nord comme au Sud. Moyennant finance, on y propose des cérémonies avec des champignons à psilocybine, du breuvage amazonien ayahuasca, des sécrétions psychotropes de crapauds américains, etc.
Une activité pharmacologique spécifique
C’est sous la plume d’un psychiatre anglais, Humphry Osmond (1917-2004) qu’est apparu en 1957 le mot « psychédélique », pour qualifier les effets du LSD et de la mescaline. Entre 1950 et 1965, plus de 1 000 études impliquant l’administration de LSD, de psilocybine ou de mescaline ont été réalisées, sur les soins palliatifs, l’anxiété, l’addiction, la cognition et le comportement. Grâce à la reprise de ces recherches depuis une quinzaine d’années, certes limitée par les contraintes légales, on sait que ces molécules se fixent toutes sur un même sous-type de récepteur de la sérotonine, le récepteur 5-HT2A, définissant ainsi le groupe des « psychédéliques classiques ».
D’autres substances ou plantes classées comme stupéfiantes profitent également de ce regain d’intérêt : la MDMA, le cannabis, la sauge divinatoire, l’iboga et même la kétamine. Leur adjonction à la classe des psychédéliques est abusive du point de vue neuropsychopharmacologique.
Un effet secondaire social
La pharmacologie des psychédéliques « classiques » ne pourrait-elle pas être justement à l’origine de cet essor ? En d’autres termes, la constitution d’un réseau psychédélique global pourrait-elle relever d’un effet secondaire « social » ? Les études menées au Johns Hopkins Hospital de Baltimore suggèrent en effet que les expériences mystiques provoquées par ces substances causent des modifications durables de la personnalité, avec une amélioration des relations interpersonnelles et une plus grande ouverture d’esprit. De quoi nourrir un mouvement ? Le groupe de recherche sur les psychédéliques de l’Imperial College de Londres suggère quant à lui une influence sur les opinions politiques. Il n’est pas douteux que les activistes psychédéliques partagent la vision d’un potentiel révolutionnaire de ces psychotropes pour la société.
Quant à son potentiel révolutionnaire pour la thérapie, l’optimisme des chercheurs du domaine ne se dément pas et, aux États-Unis, la Food and Drug Administration vient d’attribuer le label breakthrough therapy à un protocole pour traiter les dépressions résistantes avec la psilocybine.
Les activistes psychédéliques partagent la vision d’un potentiel révolutionnaire de ces psychotropes pour la société
Doctorant au centre Koyré (EHESS), chercheur associé à l’Institut des humanités en médecine (CHUV, Lausanne) Griffiths R. et al. Psilocybin occasioned mystical-type experiences: immediate and persisting dose-related effects. Psychopharmacology. 2011 Dec:218(4):649‑65 Lyons T, Carhart-Harris RL. Increased nature relatedness and decreased authoritarian political views after psilocybin for treatment-resistant depression. J Psychopharmacol. 2018 Jul;32(7):811-819
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024