L’effet du paracétamol sur les émotions a été évoqué face à des patients qui disaient s’endormir plus facilement et être plus détendus quand ils prenaient du paracétamol. La question de savoir si ces signes relevaient d’un effet placebo s’est alors posée. Les psychologues s’y sont intéressés de près et ont initié plusieurs études. En 2010, un premier travail démontrait qu’après 3 semaines de traitement, les sujets prenant du paracétamol avaient un émoussement des sensations négatives et de la souffrance ressenties lors des relations sociales, comparativement au placebo (1). Une étude de 2013 rapportait que les sensations négatives sur la notion de mortalité étaient atténuées après une dose aiguë de paracétamol comparativement au placebo (2). Enfin, en 2015, il était démontré qu’un traitement aigu par le paracétamol atténuait l’anxiété face à un choix difficile (3).
Dans un travail du département de psychologie de l’Université de l’Ohio (4), une évaluation de la réponse aux stimuli induits par la vision d’images a été réalisée chez 85 étudiants une heure après la prise de paracétamol (1 g) ou d’un placebo. Les 40 images utilisées comme stimuli, représentaient une grande variété de contextes et d’expériences, et étaient classées de très déplaisantes à très agréables. Dans la première phase de l’étude, on demandait aux étudiants dans quelle mesure l’image présentée était positive ou négative et induisait une réaction émotionnelle. Dans la deuxième phase de l’étude, les étudiants revoyaient les images dans un ordre différent et devaient répondre à la question : « Dans quelle mesure la couleur bleue est présente dans cette image ? ». Cette évaluation visait à tester les effets du paracétamol sur le jugement et les fonctions cognitives.
Émoussement des réactions et des émotions
Les résultats montrent que les réactions aux stimuli des étudiants ayant reçu du paracétamol sont moins extrêmes que celles de la population générale et des sujets sous placebo, que les images soient positives ou négatives. Plus les stimuli sont extrêmes, plus le paracétamol diminue la réponse. D’autre part, quelle que soit la catégorie d’images présentées, les participants sous paracétamol ressentent moins d’émotion. Il n’y a pas eu de différence dans la perception du bleu entre les sujets sous paracétamol, ce qui témoigne de son absence d’effet sur l’évaluation objective.
L’effet du paracétamol s’expliquerait par une atténuation de l’activité de l’insula. En effet, les lésions de l’insula réduisent l’évaluation négative d’un stimulus déplaisant et l’évaluation positive d’un stimulus agréable. L’émoussement des évaluations extrêmes est proche de celui constaté avec le paracétamol. En outre, ces effets sont observés avec les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et renforcent l’idée d’un effet sérotoninergique du paracétamol.
«Prescrire du paracétamol, ce n’est pas seulement utiliser un antalgique, explique le Pr Serge Perrot. L’effet décrit dans ces différentes études devrait nous faire changer nos pratiques de traitement mais également d’évaluation. La prescription avant un effort aurait pour objectif de réduire la douleur pendant l’effort mais également de diminuer l’anxiété que le sujet ressent car il sait qu’il va souffrir. Le paracétamol pourrait être utilisé plus largement dans les programmes de kinésithérapie et de rééducation pour diminuer les émotions. Et pourquoi pas également dans certaines phobies ».
(1) Dewall CN et al. Psychol Sci. 2010;21:931-7
(2) Randles D et al. Psychol Sci 2013;24:966-73
(3) DeWall CN et al. J. Exp Soc Psychol 2015; 56:117-20
(4) Durso G et al. Psychol Sci 2015;26:750-8
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