À quel moment un rhumatologue doit-il penser à une éventuelle maladie de Lyme ? Et quels examens doit-il réaliser pour confirmer ou infirmer le diagnostic ? « Les formes rhumatologiques de la maladie de Lyme sont très loin d’être majoritaires. Les rhumatologues, qu’ils exercent en ville ou l’hôpital, voient relativement peu de vraies arthrites de Lyme. Mais il est quand même bon d’avoir certains réflexes face à des tableaux cliniques bien précis », souligne la Dr Christelle Sordet. L’incidence de la maladie de Lyme en France donne régulièrement lieu à des controverses, parfois très médiatisées. Certains responsables associatifs ou professionnels de santé affirment en effet que l’incidence de cette pathologie est en constante augmentation mais qu’elle reste largement sous-diagnostiquée en France. Responsable du centre national de référence des Borrelia au CHRU de Strasbourg, le Pr Benoît Jaulhac ne souhaite pas alimenter la polémique. Il renvoie juste vers un article dont il est cosignataire, publié en août dernier dans la revue Eurosurveillance. L’article rend compte de l’évolution de l’incidence de la borréliose de Lyme à partir des données fournies par le réseau Sentinelles de l’Inserm, alimenté par les médecins généralistes.
« L’incidence de la maladie est d’environ 42 cas pour 100 000 habitants. On constate certaines différences géographiques. La maladie est plus présente dans le nord de la France que dans le sud. Et au niveau européen, on constate que plus on va vers l’Est, plus l’incidence augmente. Elle est ainsi relativement élevée en Autriche et Slovénie », souligne le Pr Jaulhac, en ajoutant que l’augmentation de l’incidence, mise en avant par ces responsables associatifs, ne se retrouve pas dans l’épidémiologie récente. « On constate que sur cinq ans (2009-2014), l’incidence reste assez stable en France, poursuit-il. Alors, certes, on ne peut pas affirmer que tous les cas de borréliose de Lyme sont intégralement diagnostiqués en France. Mais on peut souligner que la majorité des tableaux cliniques atypiques qui nous sont adressés au Centre national de référence s’avèrent finalement ne pas être des maladies de Lyme. Et c’est à peu près la même chose dans les autres pays ayant des centres nationaux de référence ».
Le Pr Jaulhac précise aussi que dans la très grande majorité des cas (85 %), la pathologie se manifeste par un érythème migrant. « Ensuite, il y a environ 15 % de formes disséminées parmi lesquelles on trouve environ un quart d’arthrites de Lyme, précise-t-il. Même si cela n’est pas très fréquent dans la pratique rhumatologique quotidienne, il faut quand penser même à la maladie de Lyme face à toute arthralgie, et plus encore face à toute arthrite, surtout localisée au genou. Il faut alors demander au patient s’il a pu être victime d’une morsure de tiques mais en étant conscient que certaines piqûres peuvent passer inaperçues », indique le Dr Sordet, en ajoutant que les rhumatologues sont plus sensibilisés dans les régions où l’incidence est plus forte. « En Alsace, par exemple, nous faisons beaucoup de sérologies mais il est vrai qu’en fin de compte, on trouve quand même peu de cas de maladie de Lyme », ajoute-t-elle.
Au CHRU de Strasbourg, le centre national de référence des borrélioses a instauré une collaboration étroite avec le service de rhumatologie. « Une arthralgie et une séropositivité ne suffisent pas pour faire le diagnostic. C’est la raison pour laquelle nous demandons, pour tout patient ayant un épanchement articulaire, de faire un prélèvement articulaire pour rechercher le pathogène par PCR. Cela marche très bien et on peut voir ainsi si le pathogène a circulé », indique le Pr Jaulhac.
De son côté, la Dr Sordet tient aussi à attirer l’attention sur le fait qu’une maladie de Lyme peut entraîner des acrodermatites. « Cela reste très rare. Dans le service, nous avons deux ou trois cas par an. Cela concerne des patients qui, en général, se plaignent de douleurs localisées à une articulation avec des troubles vasomoteurs. La peau peut être violacée ou rouge. Dans ce genre de situation, il peut y avoir une errance diagnostique parce qu’on ne pense pas d’emblée à une maladie de Lyme. On pense à une algodystrophie ou à des problèmes vasculaires de type ischémie ou autres. Il y a donc un réel intérêt à faire une sérologie, ce qui nous aide beaucoup à faire le diagnostic », souligne la Dr Sordet.
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