Hyperuricémie isolée
Devant une hyperuricémie sans goutte, aucun traitement pharmacologique hypo-uricémiant validé n’est recommandé. Il convient avant tout de traiter la cause de l’hyperuricémie.
La principale cause d’hyperuricémie secondaire est iatrogène, liée avant tout à la prise de diurétiques, parfois masquée dans une combinaison d’agents antihypertenseurs. Dans la mesure du possible, on arrêtera le médicament incriminé. Dans le cas du traitement de l’hypertension artérielle, le remplacement se fera préférentiellement par un traitement à action uricosurique, comme le losartan ou l’amlodipine.
Le deuxième point clé de la prise en charge est la correction des erreurs diététiques. Les règles sont simples et ne consistent pas, comme l’idée en est répandue, à supprimer le gibier et les abats, peu consommés. Les principaux conseils alimentaires sont :
- de limiter l’apport calorique global, et notamment les protéines animales,
- d’arrêter totalement la consommation de sodas sucrés, riches en fructose convertis en acide urique, et de bière qui est riche en purines (y compris les bières sans alcool),
- de limiter la quantité d’alcool en général et des alcools forts en particulier, comme le whisky ou la vodka ( cocktails comme la vodka orange ou le whisky-coca étant les pires !!)
- de favoriser les laitages allégés qui ont un effet uricosurique prouvé.
Une perte de poids même modérée, encore facilitée par un peu d’exercice physique comme la marche, permet souvent de normaliser l’uricémie.
En cas d’inefficacité des mesures diététiques, une approche pharmacologique peut être envisagée, d’autant plus que l’hyperuricémie est associée à une hyperlipidémie. Le fénofibrate et la simvastatine possèdent en effet une action uricosurique.
La prescription d’allopurinol n’est donc jamais justifiée en cas d’hyperuricémie isolée. Il faut garder à l’esprit qu’il peut être à l’origine d’éruption allergique cutanée parfois grave, comme le syndrome de Lyell, d’autant plus qu’il existe une insuffisance rénale favorisant son accumulation ou celle de son métabolite, l’oxypurinol. L’allopurinol est, en France, avec les AINS, la première cause de toxidermie bulleuse.
Goutte clinique
Le traitement chronique de la goutte se justifie à partir de la deuxième crise, d’autant plus que les accès sont rapprochés.
- Les conseils diététiques et pondéraux, ainsi que la recherche d’une cause iatrogène (diurétiques), sont identiques à ceux de la prise en charge de l’hyperuricémie isolée.
- Le traitement hypo-uricémiant de première intention est l’allopurinol, à condition d’avoir recherché et éliminé un antécédent éruptif allergique même ancien (en pensant à évoquer le nom générique et le nom de marque)
Le traitement doit être débuté à distance de la crise, après 3 à 4 semaines et doit être précédé par le début de la prophylaxie des accès par la colchicine (1 mg par jour).
La posologie efficace est recherchée par titration, en débutant toujours à 100 mg/je (obligation réglementaire), et en augmentant par paliers de 50 ou 100 mg toutes les deux à trois semaines, pour atteindre l’objectif biologique. Il ne faut pas dépasser la dose maximale autorisée par la clairance de la créatinine (selon la formule MDRD) (cf Vidal). L’objectif cible est l’obtention d’une uricémie inférieure à 360 µmol/l (soit 60 mg/l)
Le patient doit être prévenu de la nécessité d’arrêter le traitement en cas d’éruption cutanée, et de consulter. La réalisation d’une NFS recherchera alors une hyperéosinophilie en faveur d’un DRESS syndrome.
- Le traitement de deuxième intention, en cas d’allergie ou d’insuffisance rénale limitant la posologie d’allopurinol, peut faire appel soit au febuxostat (Adénuric), un autre inhibiteur de la xanthine-oxydase, à la posologie de 80 mg/jour (AMM) ou un jour sur deux, dose réduite pour réduire le risque d’accès goutteux. L’alternative est le probénécide (Bénémide), un uricosurique, à la posologie de 250 mg 2 fois par jour. Le probénécide peut être prescrit jusqu’à une clairance MDRD de 50 ml/min, le fébuxostat jusqu’à 30 ml/mn de clairance MDRD ; il n’y a pas d’ajustement de posologie du fébuxostat chez le sujet âgé, mais les transaminases doivent être dosées avant et pendant le traitement. Il faut souligner que le fébuxostat n’est pas recommandé en cas d’antécédent coronarien ou d’insuffisance cardiaque. Pour sa part, le probénécide est contre-indiqué en cas d’antécédent ou de présence d’une lithiase urinaire. .
- Tout traitement hypo-uricémiant doit être accompagné d’une prévention des accès goutteux pendant les 6 premiers mois, par colchicine à 1 mg/j ou par de petites doses d’AINS (par exemple diclofenac 25 mg x 2/j)de tolérance inconnue au long cours. Le patient doit être prévenu de l’augmentation du risque de crise de goutte, du fait de la mobilisation des cristaux d’urates : cela n’est pas un échec, au contraire, mais « le prix à payer » pour guérir. En cas de survenue d’un accès goutteux, la posologie de la colchicine peut être augmentée à 3 mg/j maximum. Il faut surtout dire au patient d’avoir la colchicine sur lui, pour prendre un demi ou un comprimé supplémentaire en cas de crise débutante le premier jour et de ne pas attendre. Attention à réduire la dose de colchicine chez l’insuffisant rénal : 1 mg 1 jour sur deux en prévention, 2 mg/j maximum en cas d’accès par exemple. Une bonne hydratation (5-6 verres d’eau par jour) et ne pas faire d’excès alimentaire sont aussi des mesures simples et peu dangereuses de prévention des accès.
- La prise de colchicine au long cours s’accompagne d’un risque d’interactions médicamenteuses. Les macrolides et la pristinamycine sont formellement contre-indiqués, car ils exposent le patient à un risque de rhabdomyolyse et de pancytopénie. L’association à une statine fait l’objet d’une précaution d’emploi, toute douleur musculaire devant être recherchée. Enfin, il faut prévenir le patient de la contre-indication formelle au jus de pamplemousse, qui augmente l’absorption intestinale de la colchicine et donc sa concentration circulante.
Consulter le site internet : www.crisedegoutte.fr
Conflits d’intérêt du Pr Lioté : conseil : Novartis ; conseils ponctuels : Mayoly-Spindler, Ipsen, Ménarini ; FMC/EPU : Ipsen, Menarini ; Investigateur principal : Novartis.
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