PAR LE Pr ALAIN SARAUX*
AFIN DE PERMETTRE une prise en charge précoce, de nouveaux critères ACR/EULAR ont été élaborés pour faciliter la décision de mise en route d’un traitement de fond devant une polyarthrite rhumatoïde (PR) débutante (1). Ce qui les fait clairement différer des anciens critères, c’est qu’il faut au moins une synovite, pas d’autre diagnostic et, soit des érosions, soit un certain nombre de paramètres clinques et biologiques dont la VS/CRP et les auto-anticorps (FR/anti-CCP), en tenant compte de leur taux (négatif, positif, supérieur à trois fois la limite supérieure de la normale).
Une fois le diagnostic posé, du fait des progrès thérapeutiques, les rhumatologues resserrent les objectifs thérapeutiques de la polyarthrite rhumatoïde (2, 3). Ils ont été, tour à tour, de faire en sorte que les patients aillent moins mal, puis mieux et, enfin, bien. Pour l’EULAR, le traitement a pour finalité d’obtenir une rémission ou une faible activité de la maladie aussitôt que possible. Demain, l’objectif sera que les patients aillent bien et sans traitement. On est ainsi passé des critères de réponse thérapeutique (critères ACR ; critères EULAR) à des critères de rémission. Aujourd’hui, en France, le DAS28 (évaluation de l’activité de la maladie en notant le nombre d’articulations gonflées, le nombre d’articulations douloureuses, la vitesse de sédimentation et l’échelle visuelle du patient) est l’outil considéré comme le plus pratique pour juger à la fois de la réponse thérapeutique et de la rémission. Mais de nouveaux critères sont en cours de rédaction par l’EULAR /ACR, pour les études portant sur la PR, et devraient imposer :
– ≤ 1 articulation douloureuse ;
– ≤ 1 articulation gonflée ;
– CRP ≤ 10 mg/l ;
– évaluation globale du patient ≤ 1/10.
Des critères de rémission plus stricts.
L’objectif thérapeutique actuel dans la PR récente est, outre la rémission clinique, la rémission radiographique sans corticothérapie. On conseille donc d’utiliser, soit le DAS rémission, soit, plutôt, les nouveaux critères ACR/EULAR de rémission plus la notion d’arrêt de la corticothérapie et l’absence d’évolution radiographique. Cet objectif est sans doute réalisable dans la PR récente, mais plus difficile à atteindre dans les formes anciennes, du fait de la part des séquelles.
Il est démontré que le suivi rapproché avec une évaluation systématique du DAS est plus efficace que le suivi standard de la PR. Par exemple, Goekoop-Ruiterman et coll. (4) l’ont vérifié dans la polyarthrite débutante chez des patients traités, soit selon le traitement traditionnel (groupe A) mais avec un objectif de DAS < 2,4, soit à la discrétion du médecin (groupe B). Au départ, les patients des groupes A (n = 234) et B (n = 201) étaient comparables en HAQ (1,4), mais ceux du groupe A avaient une plus longue durée d’évolution (0,5 vs 0,4 an ; p = 0,016), un DAS28 plus élevé (6,1 vs 5,7 ; p < 0,001), davantage de facteurs de risque (66 % vs 42 % ; p < 0,001) et plus souvent des érosions (71 % vs 53 % ; p < 0,001). À un an, le HAQ était davantage amélioré (0,7 vs 0,5 ; p = 0,029) et le pourcentage de rémission plus important (DAS28 < 2,6 : 31 % vs 18 ; p < 0,005) dans le groupe A que dans le groupe B, avec une moindre évolution radiographique (SHS de 1 vs 2).
Les recommandations EULAR (5), sans surprise et sans contradiction avec les recommandations de la HAS, ont été faites sur la base de revues de la littérature et d’avis d’experts. Elles confirment l’intérêt d’un traitement précoce, avec une stratégie définie et un suivi rapproché. Le traitement a pour objectif d’obtenir une rémission ou une faible activité de la maladie aussitôt que possible. Le méthotrexate reste le traitement de première intention, alors que le léflunomide, la sulfasalazine et les sels d’or sont à utiliser en cas d’intolérance ou de contre-indications. Les associations de traitements de fond ne sont que suggérées, leur efficacité supérieure n’étant pas certaine, ou alors liée à l’utilisation parallèle de corticoïdes. Les patients en échec du méthotrexate et ayant des facteurs de mauvais pronostic (fort taux de facteurs rhumatoïdes ou anti-CCP, DAS élevé, syndrome inflammatoire important, érosions précoces) relèvent de la biothérapie, alors que le switch pour un autre traitement non biologique est à réserver aux patients sans facteur de mauvais pronostic. La place des différentes biothérapies est précisée, tout en rappelant que cela pourrait changer dans les mois à venir. Les glucocorticoïdes peuvent être utilisés sur des périodes courtes, en association à un traitement de fond. Les anti-TNF sont associés en cas de réponse insuffisante, surtout s’il y a des critères de mauvais pronostic. Chez les sujets en échec de l’anti-TNFα, on peut envisager le passage à un autre anti-TNFα, à l’abatacept, au rituximab ou au tocilizumab. En cas d’échec ou de contre-indication aux traitements biologiques ou autres DMARDs, le recours à certains traitements de fond en monothérapie ou en combinaison comme la ciclosporine ou l’azathioprine peut s’envisager. En cas de rémission persistante, on peut envisager la diminution, voire l’arrêt des glucocorticoïdes ainsi que la diminution des traitements biologiques en particulier lorsqu’ils sont associés à un traitement de fond.
L’originalité de ces recommandations tient à la présence d’une analyse médico-économique pour chacun des points développés.
*Service de rhumatologie, CHU de la Cavale Blanche, Brest.
(1) Aletaha D, et coll. 2010 Rheumatoid arthritis classification criteria: an American College of Rheumatology/European League Against Rheumatism collaborative initiative. Arthritis Rheum 2010;62(9):2569-81.
(2) Aletaha D, et coll. Reporting disease activity in clinical trials of patients with rheumatoid arthritis: EULAR/ACR collaborative recommendations. Arthritis Rheum 2008;59:1371-7 et Ann Rheum Dis 2008;67:1360-4.
3- van Tuyl LH, et coll. Defining remission in rheumatoid arthritis: results of an initial American College of Rheumatology/European League Against Rheumatism consensus conference. Arthritis Rheum 2009;61(5):704-10.
4- Goekoop-Ruiterman YP, et coll. DAS-driven therapy versus routine care in patients with recent-onset active rheumatoid arthritis. Ann Rheum Dis 2010;69:65-9.
5- Smolen JS, et coll. EULAR recommendations for the management of rheumatoid arthritis with synthetic and biological disease-modifying antirheumatic drugs. Ann Rheum Dis 2010;69(6):964-75.
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