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Dossier

Eular 2022

Polyarthrite rhumatoïde, les rhumatologues européens prennent position

Par Dr Maia Bovard Gouffrant - Publié le 27/06/2022
Polyarthrite rhumatoïde, les rhumatologues européens prennent position


SPL/ PHANIE

Le Congrès européen de rhumatologie (Copenhague, 1er au 4 juin) fêtait cette année ses 75 ans. À l’honneur, les rhumatismes inflammatoires, avec notamment la présentation des nouvelles recos européennes sur la polyarthrite rhumatoïde (PR). Corticothérapie précoce, iJAK : la nouvelle feuille de route a permis de préciser la place de certains traitements récemment mis en cause. Également au menu, l’actualisation des guidelines sur la spondylarthrite ankylosante, qui revisitent l’évaluation de la maladie.

À l’occasion de son congrès annuel, l’Alliance européenne des associations de rhumatologie (Eular) a présenté ses nouvelles recommandations sur la polyarthrite rhumatoïde (PR) et la SpA (spondylarthrite ankylosante). Les deux textes reprécisent notamment la thérapeutique, rendue plus complexe par le nombre de molécules disponibles mais aussi par les questions soulevées autour de la corticothérapie et des inhibiteurs de JAK (iJAK).

La corticothérapie précoce confortée

Concernant la PR, par rapport aux recos de 2019, il est toujours préconisé de débuter le traitement le plus tôt possible, de viser la rémission ou une faible activité de la maladie. Le méthotréxate (MTX) reste le traitement de première intention mais la question s’est posée de l’intérêt de l’associer systématiquement à une corticothérapie de courte durée, que les recommandations américaines ont remise en cause. Se basant sur la relative bonne tolérance d’une corticothérapie de courte durée et sur la non-infériorité de l’association MTX/corticoïdes (CS) par rapport à l’association MTX/biothérapie, dans les PR actives débutantes, les Européens recommandent donc d’associer les CS lors de l’instauration ou de la modification des traitements de fond conventionnels (csDMARDs), mais en insistant pour les diminuer et les arrêter le plus rapidement possible.

Des études parues depuis les dernières recommandations avaient soulevé des doutes sur la tolérance de certaines molécules, comme les anti-IL-6 et les iJAK. L’essai Oral Surveillance comparant deux anti-TNF et un iJAK (tofacitinib) avait notamment suscité l’inquiétude en retrouvant un surcroît d’événements cardiovasculaires majeurs (MACE) et de tumeurs malignes sous tofacitinib. Un surrisque qui n’a été retrouvé chez les patients traités pour psoriasis cutané ou articulaire que chez ceux dont le risque cardiovasculaire (CV) était le plus élevé. Les registres de suivi de la PR n’ont pas non plus retrouvé ce surrisque de tumeurs ou de complications CV. L’étude randomisée Entracte, menée en ouvert chez 3 080 patients atteints de PR, avait retrouvé un taux de LDL plus haut et une hausse de 5 % des évènements CV sous tocilizumab (anti-IL-6) par rapport à l’étanercept, mais chez des patients avec une PR active sévère et un risque CV initial élevé.

Le registre allemand Rabbit présenté cette année à l’Eular confirme que dans la vraie vie, le taux de MACE est inférieur à celui rapporté dans ORAL Surveillance. Chez plus de 21 000 patients traités pour PR, 28 MACE ont été relevés. Leur incidence était similaire sous iJAK, anti-TNF et csDMARDs (0,6 à 0,41 événement/100 années-patients), la plupart survenant la première année de traitement. Il n’a pas non plus été constaté de différence chez les sujets à risque CV le plus élevé. « Dans Rabbit, il n’y a aucun argument en faveur d’un risque accru de MACE sous iJAK par rapport aux anti-TNF, insiste le Pr Yvette Meissner (Berlin), alors même que les patients sous iJAK étaient plus âgés, avec une PR plus ancienne ».

La place des iJAK discutée

Néanmoins, la place des iJAK a fait l’objet d’une discussion très serrée. « Tous les registres observationnels sont rassurants quant au surrisque iatrogène lié aux iJAK mais, ORAL Surveillance étant un essai randomisé, ce sont ses résultats qui priment », concède le Pr Josef Smolen (Vienne). L’Agence européenne des médicaments (EMA) avait déjà limité la prescription du tofacitinib aux personnes de moins de 65 ans, sans notion de tabagisme actif ou passé, sans autre facteur de risque CV ou de cancer et en l’absence d’autre option thérapeutique. L’Eular a maintenu la possibilité de prescrire les iJAK en première ligne au même titre que les biothérapies, dans les PR restant actives malgré les csDMARDs et en présence de facteurs de mauvais pronostic de la PR, mais en suivant les préconisations de l’EMA.

Sur la possibilité de diminuer les traitements, l’Eular se démarque là aussi des guidelines américaines en préconisant la désescalade thérapeutique chez les sujets ayant arrêté les CS et en rémission soutenue.