Les rhumatismes inflammatoires s’accompagnent d’un risque cardiovasculaire (RCV) accru, très bien décrit dans la polyarthrite rhumatoïde (PR), où il est comparable à celui associé au diabète. Dans les spondyloarthrites (SpA), cette association est pendant longtemps restée moins clairement établie. Mais les études récentes ont souligné que 40 % de la surmortalité dans les SpA serait d’origine cardiovasculaire. Le risque d’infarctus du myocarde est multiplié par deux par rapport à celui de la population générale, et celui d’accident vasculaire cérébral par 1,5.
Cela a conduit l’Eular (European League Against Rheumatism) à élaborer des recommandations, avec dans la première version de 2012 une évaluation du RCV tous les ans ou à chaque changement de traitement. L’actualisation de 2015 a revu à la baisse le rythme d’évaluation du RCV, qui est désormais préconisée tous les 5 ans ou à chaque changement de traitement (1).
« Les raisons mêmes de l’augmentation du RCV dans les SpA sont diverses, et il est souvent difficile de faire la part entre le rôle délétère des facteurs de RCV classiques, celui de l’inflammation et celui des traitements », rapporte le Dr Anna Molto, coauteur d’une revue récente de la littérature (2).
Le rôle du tabagisme
Parmi les facteurs de risque classiques, l’hypertension artérielle est plus fréquente dans les SpA, sans doute en conséquence de l’activité inflammatoire et des traitements. Le rôle du tabagisme est mieux connu. Sa prévalence est nettement plus élevée chez les patients souffrant de SpA, de 30 à 40 % avec la SpA axiale, contre 15 % dans la population générale aux États-Unis. Au-delà de son effet direct sur le RCV, le tabagisme accroît l’activité de la maladie inflammatoire. Les résultats des études ayant analysé le rôle des dyslipidémies sont contradictoires : ils donnent soit une réduction du HDL-cholestérol, soit une élévation du LDL-cholestérol, soit une absence de variation. La littérature sur le diabète est assez pauvre, avec toutefois une possible augmentation de sa prévalence dans le rhumatisme psoriasique, dont on ne sait si elle est la conséquence de la maladie ou du traitement par corticoïdes fréquemment administré.
« À côté de ces facteurs de risque classiques, le rôle délétère de la charge inflammatoire dans le surrisque cardiovasculaire de la maladie rhumatismale est aujourd’hui bien établi », rappelle le Dr Anna Molto. Plusieurs études ont rapporté un RCV plus élevé chez des patients avec des CRP plus élevées. D’autres marqueurs comme l’homocystéine ont aussi été rapportés élevés.
Les effets délétères des corticoïdes
Enfin, l’effet du traitement doit également être pris en compte. L’augmentation du RCV classiquement attribuée aux anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) dans la population générale n’est pas systématiquement retrouvée dans les SpA axiales. Ce risque semblerait même réduit selon une étude récente, et cela pourrait être expliqué par la baisse de la charge inflammatoire secondaire au traitement par AINS. Les effets délétères des corticoïdes, au-delà de la posologie de 7,5 mg/jour de prednisone, sont en revanche bien documentés. « Les traitements de fond, sulfasalazine et méthotrexate, pourraient avoir un effet protecteur, mais la littérature est plus riche dans la PR que dans la SpA », souligne le Dr Molto. Quant aux biothérapies, les données sont encore parcellaires. Les anti-TNF devraient logiquement réduire le RCV par le biais de leur effet anti-inflammatoire. Les données sont peu nombreuses avec les anti-IL17, et deux études de phase III dans le rhumatisme psoriasique ont semé le doute sur les anti-IL12/23 en mettant en évidence une augmentation du RCV. « Un signal, donc, qui n’a pas été confirmé dans les études observationnelles sur le long terme », relativise le Dr Molto.
Comment appréhender ce risque en pratique ?
En premier lieu en le réévaluant tous les 5 ans ou à chaque changement de classe thérapeutique : les bénéfices du traitement doivent être mis en regard des possibles comorbidités. Le recours à la table de risque de la Société européenne de cardiologie, Score, est préconisé.
Tous les facteurs de RCV classiques doivent être pris en compte, en insistant particulièrement sur l’intérêt du sevrage tabagique et son double impact positif, sur l’activité de la maladie et sur la sphère cardiovasculaire.
« Parallèlement, il est essentiel de juguler au maximum la charge inflammatoire, ce qui implique concrètement de mettre le patient en rémission », conclut le Dr Anna Molto.
D’après un entretien avec le Dr Anna Molto, hôpital Cochin, Paris
(1) Agca R et al. Ann Rheum Dis. 2017 Jan;76(1):17-28.
[ OU :]
(1) Agca R., Heslinga S. C., Rollefstad S. et al. « EULAR recommendations for cardiovascular disease risk management in patients with rheumatoid arthritis and other forms of inflammatory joint disorders: 2015/2016 update », Annals of the Rheumatic Diseases, vol. 76, no 1, janv. 2017
(2) Molto A et Nikiphorou E. Front. Med., 12 March 2018
https://doi.org/10.3389/fmed.2018.00062
[OU :]
(2) Molto A. et Nikiphorou E. « Comorbidities in spondyloarthritis », Frontiers in Medicine, mars 2018 (en ligne)
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