Le patient a pour antécédents une infection par le VIH, découverte en 2004 lors de l'apparition d'une maladie de Kaposi, avec une co-infection par le virus de l’hépatite B et un rhumatisme psoriasique depuis 2010. Il ne reçoit depuis 2016 aucun traitement de fond du rhumatisme psoriasique, en raison d’une progression cutanée et pulmonaire de la maladie de Kaposi.
Le patient avait été hospitalisé à trois reprises sur la dernière année pour une monoarthrite récidivante de genou gauche, liée à son rhumatisme psoriasique et traitée à chaque fois par une infiltration cortisonique avec succès.
Sur le plan de l’infection par le VIH, il était en rémission viro-immunologique sous trithérapie avec une charge virale indétectable et un taux de CD4 > 500/mm3 depuis plus de 5 ans. Il n’a pas eu d’autre complication de cette infection dans le passé.
Il rapportait depuis deux mois une douleur du bord externe du pied et une talalgie droite, de rythme mixte (réveils nocturnes, douleur au premier pas, croissante au cours de la journée) sans autre signe fonctionnel.
Des lésions violines papuleuses et une arthropathie
A l’examen physique, le patient se révèle en bon état général, avec une déformation des quatre derniers orteils à droite, et à la palpation, une induration douloureuse de l’aponévrose plantaire droite. Sur le plan cutané, il existe des lésions violines papuleuses et infiltrées aux deux membres inférieurs caractéristiques de la maladie de Kaposi, sans atteinte muqueuse, associées à un œdème du membre inférieur droit (allant jusqu’au genou). Le reste de l’examen était normal.
Biologiquement, il existait un syndrome inflammatoire modéré (CRP 35 mg/L, leucocytes à 11 G/L), sans autre anomalie. Les anticorps anti-CCP et le facteur rhumatoïde étaient indétectables.
Les radiographies mettaient en évidence une arthropathie des quatre dernières articulations métacarpo-phalangiennes (MCP) du pied droit avec atteinte destructrice des 4e et 5e. Une IRM du pied droit révélait une masse infiltrant les 4e et 5e articulations MCP et les parties molles, avec prise de contraste au gadolinium, évoquant une atteinte osseuse de la maladie de Kaposi.
Une biopsie osseuse confirmait cette hypothèse, avec une prolifération dermique de cellules fusiformes, accompagné de nombreuses structures capillaires et un infiltrat inflammatoire péri-capillaire. L'étude en immunohistochimie anti-LANA montre un marquage des cellules endothéliales.
Le patient a par conséquent été adressé en dermatologie pour la reprise d’un traitement par doxorubicine liposomale pégylée et radiothérapie locale, avec une amélioration des douleurs mais une réponse partielle à 3 mois sur le plan tumoral.
Un cancer viro-induit avec des manifestations osseuses
Le sarcome de Kaposi, décrit en 1872, est un cancer viro-induit. L’agent étiologique, le Kaposi Sarcoma-associated HerpesVirus (KSHV – ex Human Herpesvirus 8, HHV-8), a été découvert en 1994 par Chang et al., à l’occasion de l’épidémie de VIH. Sa séroprévalence est élevée dans le Maghreb et l’Afrique sub-saharienne. Ses propriétés oncogènes sont à l’origine d’autres affections comme la maladie de Castleman multicentrique, le « KSHV inflammatory cytokine syndrome » (KICS) ou le lymphome primitif des séreuses, qui peuvent être associés au sarcome de Kaposi.
Quatres formes de la maladie de Kaposi, de pronostic variable, ont été décrites :
- une classique, touchant la population méditerranéenne adulte, avec une nette prédominance masculine, dont l’atteinte est généralement circonscrite aux extrémités et indolente
- une endémique, rencontrée en Afrique sub-saharienne chez l’enfant et l’adulte, avec une atteinte nodulaire et lymphatique, plus agressive
- une associée au VIH, avec une atteinte plus importante du visage, du tronc et des muqueuses
- une de l’immunodéprimé (notamment chez les greffés rénaux)
La maladie peut toucher tous les organes, avec par ordre de fréquence une atteinte cutanée, digestive et pulmonaire. Les lésions osseuses sont souvent satellites d’une lésion cutanée ou des parties molles voisines, et se manifestent par des ostéolyses douloureuses ou une fracture pathologique. Ces atteintes, bien que rares, doivent être connues du rhumatologue pour les identifier dans un contexte évocateur.
Le diagnostic est histologique : prolifération tumorale de cellules en fuseau (spindle cells), avec la mise en évidence par immunohistochimie d’une protéine de latence, le KSHV latency-associated nuclear antigen, dans leur noyau.
Le traitement en France repose sur une radiothérapie dans les formes localisées et compliquées, et une chimiothérapie par doxorubicine liposomale pégylée pour les formes graves ou étendues.
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