Depuis la commercialisation de l’allopurinol il y a plus de 40 ans, la goutte a perdu peu à peu de sa célébrité. Les données épidémiologiques récentes sont rares en France malgré l’augmentation actuelle de son incidence et de sa prévalence. On oublie souvent que la goutte est une maladie qui peut être sévère. « Tout le monde connaît son versant rhumatologique, avec parfois des destructions articulaires extrêmement avancées, précise le Pr René-Marc Flipo, on sait également qu’elle peut être responsable de lithiases urinaires et de néphropathies chroniques. Mais, ce qui est relativement récent, c’est que la goutte est un facteur de risque indépendant d’accident cardiovasculaire. L’hyperuricémie goutteuse entre dans le fameux syndrome métabolique dont la prévalence augmente. Or ce syndrome est étroitement associé au surrisque cardio-vasculaire ».
Dans ce contexte, l’étude CACTUS avait pour objectif principal de décrire les caractéristiques de la goutte en France. Les données françaises sont effectivement rares comparativement aux données nord-américaines. Cette étude observationnelle nationale, transversale et multicentrique, a inclus de façon consécutive, de novembre 2010 à mai 2011, 2 813 patients atteints de goutte, par 857 médecins généralistes et 92 rhumatologues. « Si les résultats ne vont pas révolutionner les données scientifiques, ils confirment l’importance des facteurs de risque cardio-vasculaires associés » : 65 % des patients sont hypertendus, 58 % ont une dyslipidémie, 47 % sont en surpoids ou obèses (39 % avec un BMI› 30), 22 % ont un diabète de type 2, 10 % un antécédent cardiovasculaire ischémique, 7 % une insuffisance cardiaque et 9 % une insuffisance rénale. Ces chiffres sont évidemment à considérer dans la prise en charge du patient goutteux. « Le goutteux est un cardiaque en puissance », insiste R-M Flipo.
Bière et soda.
Enfin, concernant les facteurs de risque de survenue de la goutte, si on connaissait l’importance de la consommation d’alcool, on connaissait moins l’importance de la consommation de bière et surtout de soda riche en fructose. Or, 27 % des patients sont des consommateurs de bière (au moins une bière par jour) et 11 % de consommateurs de soda (au moins une canette par jour). En outre, les uricémies très élevées (› 90 mg/L) sont associées à une consommation d’alcool dans 48 % des cas et à une consommation de soda dans 12 % des cas. Les uricémies les plus basses (< 60 mg/L) sont associées à une consommation d’alcool dans 40 % des cas et à celle de soda dans 7 % des cas.
Un autre aspect intéressant de cette étude concerne les éléments sur lesquels les médecins avaient fait le diagnostic de goutte. Plus de neuf fois sur dix, le diagnostic était posé
sur une monoarthrite et dans 82 % de cas sur la monoarthrite métatarsophalangienne du gros orteil. Il faut noter que, si pour les scientifiques le diagnostic de certitude est apporté par la présence de cristaux d’urates dans l’articulation, dans la pratique quotidienne cette méthode diagnostique ne représente que 5 % des cas.
Enfin, dans l’étude CACTUS, l’uricémie au cours des 12 derniers mois a été dosée chez 2 444 patients et seulement 19 % d’entre eux présentaient une uricémie inférieure ou égale à 60 mg/L, taux qui représente l’objectif thérapeutique. « Ces données impliquent que des efforts en termes d’éducation et d’amélioration de la prise en charge de ces patients doivent être développés », conclut le Pr Flipo.
D’après un entretien avec le Pr René-Marc Flipo, service de rhumatologie, CHU Lille.
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