Une patiente enceinte de 35 ans, à 36 semaines d’aménorrhée, est hospitalisée devant un tableau de lombosciatique hyperalgique d’apparition récente. Le lendemain de l’admission, elle est fébrile, sans point d’appel.
Les hémocultures prélevées reviennent positives, révélant un staphylocoque doré sensible à la méthicilline. L’IRM du rachis lombaire demandée en urgence ne donne pas d’argument en faveur d’une spondylodiscite infectieuse. Il est conclu à une bactériémie isolée à staphylocoque doré sensible à la méthicilline, et la patiente est traitée par cloxacilline intraveineuse avec un relais per os prévu à J7.
Une sacro-iliite infectieuse à staphylocoque doré
L’évolution infectieuse est favorable, avec apyrexie rapide et négativation des hémocultures. Néanmoins, la patiente se dégrade au plan fonctionnel, ressentant des douleurs non contrôlées par le traitement médical. L’équipe d’obstétrique décide de déclencher l’accouchement afin de faciliter la poursuite des explorations.
L’accouchement a lieu par voie basse, sans complication. Rapidement est réalisé un scanner lombosacré retrouvant, au niveau de la sacro-iliaque droite, un pseudo-élargissement des berges avec présence d’érosions, faisant poser le diagnostic de sacro-iliite infectieuse.
L’IRM du bassin réalisée secondairement témoignera du développement d’un abcès antérieur.
[[asset:image:7470 {"mode":"full","align":"","field_asset_image_copyright":["DR"],"field_asset_image_description":[]}]][[asset:image:7472 {"mode":"full","align":"","field_asset_image_copyright":["DR"],"field_asset_image_description":[]}]]Une ponction de l’abcès sous scanner isole Staphylococcus aureus sensible à la méthicilline. L’antibiothérapie par cloxacilline est reprise par voie intraveineuse pour une durée de quatorze jours, relayée par ofloxacine et rifampicine après vérification de la sensibilité du germe sur l’antibiogramme, pour une durée totale de traitement de six semaines. L’évolution a été favorable sur le plan infectieux.
La période péripartum à risque
Il s’agit donc d’une sacro-iliite infectieuse droite à staphylocoque doré survenue au troisième trimestre de grossesse chez une patiente de 35 ans.
La sacro-iliite infectieuse est une pathologie rare, ne représentant que de 1 à 4 % des arthrites infectieuses (1). Le péripartum est une période particulièrement à risque du fait d’une mobilité articulaire accrue et de microtraumatismes répétés dus au poids du fœtus. Un accouchement long et difficile, une infection génito-urinaire ont été rapportés comme facteurs de risque supplémentaires (2).
Sur ce terrain, les germes les plus fréquemment retrouvés sont le staphylocoque doré et le streptocoque. Les portes d’entrée fréquemment incriminées sont, respectivement, l’anesthésie péridurale et la sphère génito-urinaire (3).
Cliniquement, les pygalgies sont constantes et évocatrices ; néanmoins, elles s’associent dans 50 % des cas à des douleurs lombaires et des radiculalgies qui peuvent orienter à tort le diagnostic vers une pathologie discale. Un psoïtis peut également être présent, par irritation du psoas en contact direct avec la capsule articulaire antérieure, mimant un tableau digestif infectieux de type appendicite ou sigmoïdite. Enfin, la fièvre est évocatrice, mais présente dans seulement 50 % des cas.
L’examen d’imagerie le plus sensible pour porter le diagnostic est l’IRM du bassin. Les signes d’appel sont un épanchement intra-articulaire, un œdème médullaire périarticulaire, la présence d’abcès. Des lésions destructrices articulaires précoces, un œdème intense, une atteinte prédominant dans la portion iliaque antéro-inférieure orienteront le diagnostic vers une atteinte infectieuse. De plus, il n’y a pas de pont osseux articulaire ni de sclérose de l’os sous-chondral comme dans une atteinte sacro-iliaque dégénérative ou inflammatoire (4).
Le diagnostic bactériologique est difficile et inconstant : les hémocultures sont positives dans 30 % des cas et doivent être répétées, notamment dans les suites immédiates d’un geste biopsique. La ponction radioguidée de la sacro-iliaque permet une identification du germe dans 65 % des cas.
Une antibiothérapie pendant six semaines
Le traitement consiste en une immobilisation non stricte, adaptée à la douleur. L’antibiothérapie, en l’absence de signes infectieux de gravité, doit être retardée pour être adaptée au germe, avec une bonne pénétration osseuse des antibiotiques choisis. L’administration sera intraveineuse les quinze premiers jours, voire plus si l’évolution clinique ou biologique est lente. Le relais per os sera organisé pour une durée totale de traitement d’au moins six semaines, adaptée au germe (5).
Dans les formes extensives ou en présence d’abcès volumineux, un traitement chirurgical pourra se discuter d’emblée.
Il peut être intéressant de suivre la consolidation osseuse par radiographies standard, notamment si l’évolution fonctionnelle est lente. L’évolution est généralement favorable dès lors que l’antibiothérapie est adaptée et bien suivie (6).
Centre Viggo-Petersen, hôpital Lariboisière, Paris
(1) Wu MS et al. Rheumatology. 2007;46:1684-7
(2) Tisserant R et al. Rev Rhum. 1999; 66:585-8
(3) Guillemin F et al. Rhumatologie. 1988;40:279-84
(4) Bellussi A et al. Clin Imaging. 2002;26:212-5
(5) Roblot F et al. Semin Arthritis Rheum. 2007;36:269-77
(6) Buchowski JM et al. Spine. 2005;5:520-9
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