PAR LE Dr NICOLAS MAILLARD et les Prs ERIC ALAMARTINE et CHRISTOPHE MARIAT*
DÉVELOPPÉE SOUS l’impulsion du groupement international « IgA Nephropathy Network », la classification d’Oxford se distingue par sa robustesse méthodologique (1). La cohorte de patients concernait plusieurs types de population (62 Asiatiques, 94 Européens et 109 Américains), présentant une néphropathie à IgA primitive de sévérité moyenne (protéinurie de 1,7 g/j, pression artérielle moyenne 98 mmHg, stades 1, 2 et 3 de maladie rénale chronique), avec une évolution vers le stade 5 dans 13 % après un suivi médian de 69 mois.
Les lésions histologiques constitutives de la classification ont été retenues sur plusieurs critères : la reproductibilité (par le degré de concordance entre pathologistes), l’indépendance des lésions histologiques entre elles et enfin leur rôle prédictif. Ce dernier était évalué de façon uni- puis multivariée, en intégrant les critères cliniques « durs » (protéinurie, hypertension artérielle et fonction rénale) pour la prédiction de l’évolution vers le stade 5, de la perte de plus de 50 % du débit de filtration glomérulaire (DFG) et d’une pente forte de décroissance du DFG.
Les variables répondant à l’ensemble de ces critères étaient l’hypercellularité mésangiale (notée M), la sclérose glomérulaire segmentaire (notée S), et l’atrophie tubulaire/fibrose interstitielle (notée T). La présence d’une prolifération endocapillaire n’était pas associée à une évolution clinique péjorative. En revanche, elle était fortement associée au fait que les patients aient reçu un traitement immunosuppresseur, ce qui a été interprété comme un biais potentiel. Au final, la prolifération endocapillaire, notée E, a été retenue en raison de son caractère prédictif, après censure des patients traités par immunosuppresseurs. La prolifération extracapillaire n’a pas été conservée dans la classification.
Plusieurs études ont évalué la validité de cette classification pour prédire le pronostic néphrologique de la néphropathie à IgA primitive. La plus importante est une étude japonaise (Katafuchi R) (n = 702). La sévérité était comparable à l’étude princeps. Les auteurs retrouvent le rôle pronostic indépendant des critères S et T alors que le critère M atteignait la limite de significativité et le critère E n’était pas associé au pronostic. La présence d’une prolifération extracapillaire était un critère prédictif indépendant dans cette étude. Cette différence peut être expliquée par le fait que des patients évoluant vers le stade 5 lors de la première année après le diagnostic ont été inclus, ce qui n’était pas le cas lors de l’étude princeps. Une étude chinoise (Shi SF) concernant 410 patients retrouvait le rôle pronostic indépendant des critères S et T. Parallèlement, notre équipe a montré dans une population française (183 patients) l’absence de pouvoir pronostique indépendant des critères de la classification (Alamartine E), en raison de caractéristiques initiales différentes de l’étude princeps (14 % des patients avaient un DFG initial ‹ 30 ml/min/1,73m², avec un niveau moyen de protéinurie initial plus faible). Enfin, une étude américaine multicentrique (Herzenberg AM) portant sur 187 individus, retrouvait un rôle prédictif sur la pente de décroissance du DFG des seules variables S et T. En somme, les critères S et T semblent les critères les plus robustes.
Cette classification résulte d’une démarche rigoureuse sur le plan méthodologique, mais plusieurs limites peuvent être objectées. La première critique est liée au fait qu’un certain nombre de patients avaient fait l’objet d’un traitement par corticostéroïdes, modifiant leur évolution de manière non maîtrisée sur le plan statistique. Cet écueil a été identifié et contourné par la récupération du critère E, mais pourrait diminuer les performances de cette classification à définir des groupes de patients relevant d’un traitement spécifique. Il est possible que d’autres lésions (la prolifération extracapillaire, par exemple) aient perdu leur pouvoir prédictif par l’effet du traitement immunosuppresseur, laissant les critères de lésions cicatricielles seuls ou presque à prédire la sévérité. La deuxième critique est l’absence de patient arrivant au stade 5 avant la première année de suivi. Là encore, les formes histologiques inflammatoires les plus graves pourraient être moins représentées et constituer finalement un biais, peut-être identifié par l’étude de Katafuchi. Par ailleurs, les lésions de microangiopathie thrombotique pouvaient être fréquentes dans la néphropathie à IgA et associées à un pronostic péjoratif indépendant. Ces lésions ne sont peu ou pas représentées dans la cohorte de la classification d’Oxford. De la même manière, le sous-type de lésion de glomérulosclérose segmentaire (hyalinose segmentaire et focale, lésions « collapsantes », tip lesion, etc.), qui n’est pas pris en compte par la classification d’Oxford, pourrait avoir un rôle pronostique.
*Service de Néphrologie, CHU de Saint-Étienne, université Jean Monnet, Saint-Étienne.
(1) Cattran DC, et al. Kidney Int. 2009 sept;76(5):534–45.
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