L’essai Symplicity-HTN3, essai de phase III, portant sur 535 patients ayant une hypertension artérielle résistante, comparait en double insu l’efficacité tensionnelle et la sécurité de la dénervation rénale avec le cathéter Symplicity (Medtronic), contre une intervention SHAM ou factice. La Pression artérielle systolique (PAS) moyenne était à 180 mmHg (mesure clinique) et 159 mmHg (mesure ambulatoire) sous 5,1 traitements antihypertenseurs à l’inclusion. La randomisation entre les deux bras de l’essai s’effectuait sur la table d’artériographie. Il n’y avait pas de suivi de l’observance et de la nature du traitement antihypertenseur. Le traitement n’était pas modifié au cours du suivi. Le critère primaire était la variation de la PAS clinique, le critère secondaire, la variation PAS ambulatoire à 6 mois.
Quels résultats
La PAS clinique à 6 mois baisse dans les deux groupes (dénervation : - 14,13 ±23,93 mm, SHAM : -11,74 ±25,94 mmHg), mais la différence entre les 2 groupes (2,39 mmHg) n’est pas significative et ne l’est pas non plus en mesure ambulatoire. La sécurité de la procédure évaluée d’un critère composite (accidents rénaux, artériels… dans les 30 premiers jours) est correcte, avec une faible incidence d’événements et pas de différence significative entre les 2 groupes (dénervation : 1,4 % versus SHAM : 0,8 %). Le taux d’événements indésirables à 6 mois est de 4 % pour la dénervation et de 5,8 % pour la procédure SHAM.
Le Pr Michel Azizi analyse ces résultats : « HTN-3 n’a pas retrouvé l’amplitude importante de la baisse de PAS clinique après dénervation rénale que laissaient attendre les résultats de l’essai Symplicity HTN-2 réalisé en ouvert et de nombreuses études observationnelles. En revanche, l’amplitude importante (-11,4 mmHg) de la baisse de PAS clinique dans le groupe SHAM est inattendue, tout comme l’était l’absence de baisse de PAS clinique (+1 mmHg) dans le groupe contrôle de l’essai Symplicity HTN-2. En effet, la baisse de PAS clinique habituellement observée dans le groupe contrôle d’essais thérapeutiques médicamenteux dans l’HTA résistante est plutôt de l’ordre de 8 mmHg. Dans HTN-3 une baisse de PAS moins marquée qu’attendue dans le groupe dénervé (-14,13) conjuguée à une baisse anormalement forte dans le groupe contrôle SHAM (-11,4) ont concouru à l’absence de différence non significative entre les 2 groupes. L’étude clarifie pour partie les connaissances : la dénervation ne semble pas efficace en moyenne à réduire la PA chez des patients plutôt obèses, diabétiques, ayant une HTA résistante à prédominance systolique. Elle soulève des questions : variabilité de la dénervation dans les 88 centres de l’étude, nature complète ou non de la dénervation, raisons de la baisse marquée de PAS clinique dans le groupe contrôle, forte variabilité de réponse, efficacité plus marquée dans des certains sous-groupes (femmes, caucasiens, fonction rénale préservée) ».
Poursuivre les travaux
« Faut-il tout arrêter ? La démarche scientifique réclame temps, réflexion, rigueur et prudence. Symplicity HTN-3 met un frein à la dénervation initiée de façon très large dans plusieurs pays européens et en Australie. En France, les indications ont été beaucoup plus ciblées et restreintes. La technique serait dangereuse, on devrait interrompre immédiatement cette ligne de recherche et de traitement. Or, de surcroît, il n’y a pas de risque d’effet secondaire à court terme (à confirmer par une surveillance à long terme). De plus, la dénervation apporte un bénéfice tensionnel marqué chez certains patients. Il serait préjudiciable de tout arrêter, d’autant que HTN-2 et HTN-3 montrent des résultats contradictoires qui méritent d’approfondir les données par de nouveaux essais randomisés contrôlés. La conférence de consensus sur l’HTA résistante (www.sfhta.eu) recommande d’adresser les patients ayant une HTA résistante aux centres référents de l’HTA. Elle reste d’actualité. La décision de dénervation doit être multidisciplinaire et dissociée du geste.
Le bon niveau de sécurité du geste de dénervation permet de continuer à évaluer la technique : chercher des marqueurs prédictifs de réponse positive (20 à 30 % de patients ont une HTA contrôlée après dénervation) et négative (10 à 20 % des patients n’ont aucune baisse tensionnelle) afin de mieux préciser à qui proposer la procédure, mais aussi préciser l’incidence de sténoses de novo ou s’aggravant après dénervation (par suivi angioscanner ou -IRM systématiques)… Comme le développement d’un médicament, celui d’une technique utilisant un dispositif médical demande de nombreuses années », rappelle le Pr Azizi.
DENER-HTN
Les résultats de DENER-HTN devraient être présentés en juin 2014 au meeting ESH-ISH, à Athènes. Cette étude française de phase III, randomisée (dénervation + traitement médical optimisé versus traitement médical optimisé seul) évalue l’efficacité tensionnelle, la sécurité de la dénervation et son impact médico-économique, préalable à un remboursement en France. Soutenue par un financement spécifique du ministère de la santé dans le cadre de l’appel d’offres du Soutien aux technologies innovantes et coûteuses (STIC), cette étude coordonnée par les Pr Michel Azizi et Marc Sapoval (hôpital Georges Pompidou) utilise le même matériel Medtronic que Symplicity HTN-3. Le Pr Michel Azizi souligne que « la population hypertendue française incluse dans cet essai est très homogène, étudiée dans les centres d’excellence de référence d’HTA où le nombre de dénervation reste faible et ciblé. À la différence d’autres essais, le traitement antihypertenseur est standardisé dans les deux bras (schéma identique incluant la spironolactone, modulé à chaque visite selon les résultats de l’automesure). Les métabolites urinaires des antihypertenseurs sont recherchés pour évaluer l’observance des traitements. La non observance thérapeutique touche au moins 25 voire 50 % des patients hypertendus sévères, 1 patient sur 2 allège son traitement… ».
D’après un entretien avec le Pr Michel Azizi, hôpital européen Georges Pompidou, Paris
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