« IL Y A 40 ANS, les formes graves de glomérulonéphrite lupique (formes prolifératives diffuses dites classe IV) étaient associées à une mortalité de 75 à 80 % à 2 ans. Aujourd’hui, chez ces mêmes patients, le taux de survie est de 85 à 90 % à 10 ans. Ces progrès, majeurs, découlent bien sûr des avancées thérapeutiques, mais aussi d’une meilleure prise en charge globale. D’une part, grâce à un dépistage plus précoce de la maladie, qui permet un traitement plus simple et moins lourd, d’autre part, grâce aux progrès réalisés en termes de classification nosologique, où les acquis sont sans cesse remis en cause », note le Pr Éric Daugas avant de rappeler que l’atteinte rénale ne peut pas être évaluée autrement que par l’histologie, les néphrologues et les anatomopathologistes travaillant main dans la main.
Les grandes études contrôlées publiées au début des années 1980, notamment aux États-Unis par l’équipe du NIH (National Institutes of Health) ont permis d’établir que le traitement devait comporter des corticostéroïdes à forte dose associés à un immunosuppresseur. Plusieurs immunosuppresseurs ont ensuite été comparés : cyclophosphamide par voie orale ou par voie intraveineuse séquentielle, azathioprine ou combinaison des deux. Et finalement, plus par consensus d’experts que sur un fondement statistique, l’association corticostéroïdes-cyclophosphamide intraveineux a été retenue comme le traitement de référence. Mais les problèmes de tolérance liés à l’administration de cyclophosphamide ont conduit à proposer des stratégies de réduction de posologie ou de durée.
Initialement, le cyclophosphamide était utilisé en traitement d’attaque, pour contrôler la poussée, puis en traitement d’entretien pour prévenir les rechutes, à raison d’une injection par mois pendant 6 mois, puis tous les 3 mois pendant deux ans. Au début des années 2000, une étude a démontré qu’il était possible de faire mieux en termes d’efficacité et de tolérance en utilisant le cyclophosphamide uniquement en traitement d’attaque et en faisant appel à un autre immunosuppresseur, azathioprine ou mycophénolate mofétil, en traitement d’entretien. « Cette réduction de la dose cumulée de cyclophosphamide est très importante pour les patients, en particulier pour les femmes jeunes, qui peuvent ainsi éviter une ménopause précoce », souligne le Pr Daugas. Une autre étape a été franchie avec un essai européen qui a montré qu’un schéma d’attaque plus court avec le cyclophosphamide, de trois mois, est aussi efficace qu’un schéma classique de six mois.
Des essais visant à remplacer le cyclophosphamide par un autre traitement d’attaque ont ensuite été entrepris. L’association cyclophosphamide-corticostéroides, relayée par de l’azathioprine, reste supérieure à l’association azathioprine-corticostéroïdes suivie d’azathioprine en entretien. L’étude ALMS comparant le mycophénolate mofétil au cyclophosphamide en traitement d’attaque a conclu à des résultats comparables à 6 mois sur les taux de rémission complète et partielle. « Il s’agit de résultats encourageants soutenant que le mycophénolate peut constituer une bonne alternative au cyclophosphamide. Il faut toutefois rester très prudent, car il est difficile de conclure sur les bénéfices d’une stratégie thérapeutique sans au moins 2 ans de recul. En outre, les données ne portent que sur le critère de rémission, ce qui paraît insuffisant », estime le Pr Daugas. Les patients mis en rémission dans ALMS après l’un des deux traitements d’attaque ont été à nouveau randomisés pour le traitement d’entretien, avec des résultats supérieurs pour le mycophénolate comparativement à l’azathioprine. Le Pr Daugas indique toutefois que l’azathioprine reste un traitement intéressant en entretien, du fait de son moindre coût et de sa possible administration pendant la grossesse.
L’étude LUNAR avec le rituximab.
Parallèlement, une autre stratégie thérapeutique s’est dessinée, fondée sur le rôle majeur joué par les lymphocytes B dans la physiopathologie du lupus, en particulier de l’atteinte rénale. Le rituximab, anticorps monoclonal anti-CD20 utilisé en hématologie pour le traitement des lymphomes, entraîne une déplétion des lymphocytes B chez les répondeurs. Son profil de tolérance est bon, exception faite d’un risque d’infections virales. Cela a conduit à l’évaluer dans le lupus, avec des résultats intéressants, puis dans la glomérulonéphrite lupique mal contrôlée par les traitements classiques. Après la publication de plusieurs séries rétrospectives, un essai rigoureux a été mis en place afin de valider le rituximab dans cette indication. L’étude LUNAR (The Lupus Nephritis Assessment with Rituximab) a randomisé 144 patients ayant une glomérulonéphrite lupique de classe III ou IV pour recevoir en traitement d’attaque, en sus d’une association corticostéroïdes-mycophénolate mofétil, du rituximab ou un placebo (1). Au terme d’un an de suivi, les auteurs ne rapportent pas de bénéfice clinique chez les patients traités par le rituximab. « Ces résultats négatifs ne doivent pas pour autant faire abandonner la piste du rituximab. La stratégie évaluée n’apporte pas de bénéfice, mais des associations telles corticostéroïde-rituximab ou mycophénolate mofétil-rituximab pourraient être évaluées pour démontrer que le rituximab peut remplacer l’immunosuppresseur ou les corticostéroïdes dans le traitement d’attaque, avec au moins les mêmes résultats en réduisant les effets indésirables. D’autres pistes s’ouvrent également, par exemple, le ciblage des IgE auto-immunes. Néanmoins compte tenu des faibles effectifs de patients, améliorer les échanges entre praticiens est aujourd’hui indispensable pour faire avancer la recherche clinique », conclut le Pr Éric Daugas.
D’après un entretien avec le Pr Éric Daugas*, hôpital Bichat, Paris.
*Liens d’intérêt : Amgen, Roche, Genzyme, Shire.
(1) Rovin BH, et al. Arthritis Rheum 2012 Jan 9. doi: 10.1002/art.34359. [Epub ahead of print]
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