Avant tout traitement, il faut déterminer le mécanisme de l’urgenturie : réflexe mis en jeu d’origine vésicale ou urétrale, atteinte neurologique (maladie de Parkinson par exemple) ou troubles psychologiques conséquences de sévices ou de violences. En effet, même si le traitement est uniquement symptomatique (hormis les causes neurologiques), son choix sera modulé par le mécanisme présumé.
Le bilan diagnostique doit éliminer une cystite, un polype, une tumeur ou un calcul ; examen d’urine et échographie vésicale seront parfois complétés par une cystoscopie pour éliminer une tumeur de vessie ou rechercher une pathologie inflammatoire.
« Le catalogue mictionnel reste l’outil clé du diagnostic et de l’aide à la discussion du symptôme en consultation,insiste le Pr Emmanuel Chartier-Kastler. Cela prend du temps, mais il est essentiel de bien en expliquer l’intérêt au patient, qui notera sur deux ou trois jours les heures et volumes des mictions, les heures de lever et coucher ainsi que les urgenturies ou les épisodes d’incontinence ».
Le traitement de première intention se fonde sur les anticholinergiques et la rééducation. Il existe une gamme assez étendue d’anticholinergiques qui agissent sur la phase de contraction vésicale du réflexe mictionnel. Leur utilisation peut être limitée par des effets secondaires -constipation, sécheresse de la bouche et des yeux, troubles cognitifs, surtout chez les sujets âgés- ou par un défaut d’efficacité, en particulier en présence d’un facteur sphinctérien.
La rééducation est un traitement de première ligne encore trop souvent oublié. Elle vise à renforcer la musculature du plancher périnéal et à mieux contrôler les envies pressantes par la contraction du périnée. « Elle permet au patient de gagner du temps pour rejoindre les toilettes en cas d’urgenturie et d’éviter les incontinences », précise le Pr Chartier-Kastler. Mais il faut que l’urologue explique le rationnel au patient et que le kinésithérapeute soit motivé pour que cette rééducation contraignante (deux fois par semaine pendant plusieurs semaines) soit acceptée.
Si la gêne persiste après trois mois d’un traitement médical bien conduit associé ou non à une rééducation, on peut envisager l’association de deux anticholinergiques (hors AMM), comme le suggère la littérature.
Le traitement de deuxième ligne fait appel à la neuromodulation sacrée (Interstim, Medtronic), qui améliore deux-tiers des patients ayant répondu positivement aux tests de stimulation.
Une autre technique, plus proche de la rééducation, est la neuromodulation du nerf tibial postérieur, effectuée par le sujet lui-même à raison d’une séance quotidienne de 30 minutes Peu invasive, mais nécessitant la participation active du patient, elle ne réalise pas un traitement permanent, à la différence de la neuromodulation sacrée. Bien que ses résultats soient globalement moins bons en cas d’atteinte neurologique (Parkinson, sclérose en plaques), elle mérite d’être essayée car elle peut calmer les envies pressantes sans gêner la phase mictionnelle, ce qui n’est pas le cas de la toxine botulinique A (Botox, Allergan). Cette dernière, dont on espère l’AMM prochaine, consiste en une « dénervation pharmacologique » réversible de la vessie mais expose, à la dose de 100 unités, à un risque de difficultés à uriner et de rétention chronique partielle (5 à 10 % des patients avec résidu postmictionnel). La question se posera d’un apprentissage systématique ou non de l’autosondage par précaution. Une information éclairée des patient(e)s sera de toute façon indispensable. Les populations répondant le mieux aux injections (répétées tous les 6 à 9 mois) ne sont pas encore connues. Notamment, on ne sait pas si les urgenturies d’origine psychologique, qui répondent mal à la neuromodulation, seront améliorées par le Botox.
Enfin, lorsque toutes les stratégies précédentes ont échoué, la chirurgie d’agrandissement vésical, chirurgie lourde, peut se discuter en particulier chez les patients neurologiques.
D’après un entretien avec le Pr Emmanuel Chartier-Kastler, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris
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