Alors qu'elle est particulièrement fréquente dans la population hypertendue et qu'elle est associée à un excès d'événements cardiovasculaire dans les 5 à 10 ans, la dysfonction érectile (DE) n'est pas assez recherchée en pratique clinique. Un constat qui a conduit la SFHTA à proposer un « chemin clinique » pour aider les praticiens à aborder ce sujet en consultation et à la prendre en charge. « Ceci est d'autant plus important que la DE est un facteur de mauvaise observance du traitement antihypertenseur », souligne la Pr Béatrice Duly-Bouhanick, qui faisait partie du groupe de travail.
Aborder le sujet
L'existence d'une DE devrait ainsi être recherchée de façon assez systématique lors de l'instauration du traitement antihypertenseur, mais aussi en cas de mauvaise observance ou face à une plainte parfois exprimée à demi-mot (fatigue, difficultés conjugales…). Plusieurs phrases types pour aborder le sujet sont ainsi proposées dans le chemin clinique, telles que « Les troubles sexuels sont fréquents chez les hypertendus, souhaitez-vous recevoir des informations sur ce sujet ? ». Il est aussi possible d'aborder le sujet en informant le patient de l'impact éventuel du traitement antihypertenseur sur la sexualité.
Même si les données sont parfois ténues dans la littérature, les diurétiques thiazidiques comme la spironolactone peuvent accroitre les troubles de l'érection. Les anciens bêta-bloquants sont également associés à un risque accru de DE, mais pas les bêta-bloquants vasodilatateurs. Les inhibiteurs calciques, ceux de l'enzyme de conversion et les sartans auraient un effet neutre, voire positifs pour ces derniers. De même, les alpha-bloquants semblent dénués d'impact sur la DE tandis que les antihypertenseurs centraux, peu utilisés aujourd'hui, auraient en revanche un effet délétère.
« En cas de DE chez un hypertendu traité, il faut lister tous les médicaments reçus, car de nombreuses molécules autres que les antihypertenseurs sont susceptibles d'avoir un impact sur la sexualité », indique la Pr Duly-Bouhanick, avant de rappeler que l'imputabilité d'un traitement est souvent difficile à établir.
Dialogue et IPDE5 pour la prise en charge
Le diagnostic de DE se fonde sur l'interrogatoire et l'examen clinique, à la recherche notamment de signes d'hypogonadisme. Celui-ci doit être complété par un bilan biologique, comprenant en première intention la glycémie à jeun, l'HbA1c chez le sujet diabétique si le dernier dosage date de plus de trois mois, le profil lipidique, la créatininémie et la recherche d'une protéinurie, et par un ECG de repos. Des dosages hormonaux sont demandés uniquement en cas de signes évocateurs d'un hypogonadisme après consultation spécialisée.
Le chemin clinique précise également les modalités de prise en charge de la DE, qui, dans les cas simples se base sur un dialogue empathique et l'administration d'inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 (IPDE5). Il faut bien sûr s'assurer auparavant que le patient ne présente pas de pathologie contre-indiquant les rapports sexuels, qui correspondent physiquement à la montée de 2 étages en 10 secondes. Il est notamment conseillé d'attendre 4 à 8 semaines après un événement coronaire aigu ou un pontage avant de reprendre une activité sexuelle.
La co-administration d'un IPDE5 et d'un dérivé nitré est contre-indiquée, et la prudence est de mise avec les alphabloquants, et pour certains des IPDE5 en cas de troubles du rythme.
La prise en charge est souvent assurée par le médecin généraliste, parfois dans le cadre d'une approche pluridisciplinaire dans les cas les plus sévères.
Pour faciliter le dialogue avec leurs patients, les praticiens peuvent aussi se procurer des brochures d'information auprès de la Fédération française de cardiologie (2).
D'après un entretien avec la Pr Béatrice Duly-Bouhanick, endocrinologue, Fédération de cardiologie, hôpital Rangueil (CHU, Toulouse).
(1) Chemin clinique pour le dépistage et la prise en charge de la dysfonction érectile. Consensus d’experts. Société française d’hypertension artérielle, décembre 2018. http://www.sfhta.eu/wp-content/uploads/2018/12/Prise_en_charge_de_la_DE…
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